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Daquin, le roi des noëls pour orgue par Adriano Falcioni

Ce nouvel enregistrement des noëls de Daquin tombe à pic, tant ces thèmes populaires, repris par toute une pléiade de musiciens de l'ancien régime sonnent de manière si familière à nos oreilles. Falcioni joue ici la carte des couleurs et des rythmes endiablés.

Si est connu pour son fameux Coucou issu de ses suites pour le clavecin, il n'en est pas moins célèbre pour avoir écrit une série de pièces pour orgue sur des mélodies du temps de Noël. Ce compositeur fut organiste des plus prestigieuses tribunes de la ville de Paris dès 1722 (Notre-Dame, Saint-Sulpice, les Cordeliers, Saint-Paul) ainsi qu'à la chapelle royale de Versailles à partir de 1739. En 1757, il publie un unique livre pour l'orgue pourtant intitulé Nouveau livre de noëls comprenant douze noëls sur les thèmes les plus chantés de leur temps. Cette mode du noël pour orgue fut également exploitée par Balbastre, Dandrieu, Corrette et Beauvarlet-Charpentier, pour ne citer que les plus célèbres. On les appela les noëlistes. Daquin fut celui qui écrivit les plus riches au niveau de l'écriture et de la forme. Le principe de l'air avec variations se retrouve dans la plupart des pièces, avec des diminutions qui accélèrent peu à peu le discours. D'autres noëls prennent la forme de Tierces en taille (Une jeune fillette) ou de musette (Une bergère jolie).

était originaire d'Italie (d'Aquino) et nous découvrons avec grand intérêt la version réalisée par Falcioni, organiste italien de la région de l'Ombrie. Il a choisi un orgue français de la fin du XVIIIe siècle miraculeusement conservé sans modifications, par sa situation dans l'abbaye de Gellone à Saint-Guilhem-le-désert, endroit reculé de l'arrière pays montpelliérain. A partir de 1782, Jean-Pierre Cavaillé construisit pour les moines de l'abbaye un orgue de couvent, grand huit pieds en montre, prévu pour vingt-sept jeux sur trois claviers et pédalier. En 1789, à la veille de la révolution, on sait que dix-neuf jeux étaient posés et jouaient, manquant juste la tuyauterie du positif de dos. Cet orgue ainsi inachevé était parvenu intact jusqu'à nos jours. En 1984 il fut enfin achevé par Alain Sals. Cet instrument est donc un témoin parfait pour traduire les musiques écrites en France durant la période pré-révolutionnaire.

L'écriture de ces noëls réclame des registrations très codifiées : dialogue entre le cornet et le cromorne, grand jeu, tierce en taille, flûtes. Les couleurs sonores sont ici idéales pour traduire ces textes : Falcioni s'y conforme, prenant parfois quelques heureuses libertés quant au choix des jeux, afin d'éviter des redites tout au long du programme. On entendra notamment le jeu de voix humaine dans le Noël en musette, et la trompette du positif dans le quatrième Noël cette journée. Le jeu de l'interprète est très vivant, les tempi enlevés, les accents appuyés, grâce à un toucher fort bien équilibré. Il faut en effet une bonne attaque des jeux d'anche pour le bien parlé des notes et de la douceur pour les belles mélodies sur les flûtes Noël pour l'amour de Marie. Tout cela abouti à une transparence du jeu, de belle élégance, à laquelle l'école italienne se reconnait. La rhétorique est charmeuse et bon nombre de passages se danseraient volontiers. On retrouve même un noël provençal avec le célèbre n° 10 Quand Jésus naquit à Noël. La captation de l'orgue est très directe et respecte l'acoustique de l'église abbatiale romane, à la réverbération courte. Un CD traversé par l'enthousiasme.

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