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Opéra, Passion, Pouvoir et Politique à Londres

Avec le thème Opera : Passion, Power & Politics, le Victoria & Albert Museum de Londres se trouve face au dilemme de devoir traiter un sujet de spécialistes et de toucher dans le même temps un large public, en grande partie néophyte, au risque de rendre décevant le résultat pour tout vrai amateur ou passionné. Avec le concours de pour la scénographie, le sujet n'est traité que comme une succession d'ouvrages dans une sélection de villes, là où un travail beaucoup plus poussé aurait été attendu.

Dans une grande salle en sous-sol du Victoria & Albert Museum de Londres, l'exposition sur l'opéra convie à un voyage dans l'espace et le temps, avec sur les oreilles un casque Bluetooth P5 de la marque anglaise Bower & Wilkins, dont la musique et les quelques textes évoluent de manière autonome en fonction des déplacements.

Le voyage instructif sur l'opéra vu par le prisme de la passion, du pouvoir et des politiques a été simplifié en un simple trajet à travers sept villes, Venise, Londres, Vienne, Milan, Paris, Dresde et Leningrad, ainsi qu'un dernier bloc appelé « World Passion ». Les espaces délimités par des draps ou de grands caissons exposent des pièces de toutes sortes. Parmi les plus intéressantes, on notera un pianoforte ayant servi à Mozart à Prague, quelques bustes et partitions ainsi que de nombreuses toiles de maîtres, Le Concert de Bernardo Strozzi, le portrait de Monteverdi, la Façade de La Scala d'Inganni, Musique au Jardin des Tuileries d'Édouard Manet ou la Scène de ballet de « Robert le Diable » de Meyerbeer par Edgar Degas.

A chaque ville a été associé un opéra, étonnamment Rinaldo pour Londres, Haendel surpassant donc Purcell pour les directeurs de l'exposition, ou Tannhäuser à Paris, malgré le tableau de Degas sur Meyerbeer au-dessous… A partir de là, à chacun ou chacune de se faire une idée de l'histoire, pour les plus curieux en regardant chaque verre et assiette dont s'est peut-être servi un compositeur ou interprète célèbre trois cent ans plus tôt. Les textes explicatifs sont plus ou moins courts, certains auraient pu mériter révision, comme dans la partie « Vienne » où Elektra a été choisi : un graphique présente le révolutionnaire comme inspirateur de la nouvelle génération « Mahler, Schönberg et Berg ». C'est un peu facile quand on connaît les lettres de Mahler et Strauss montrant le décalage entre les deux artistes, puis la passion de l'école de Vienne pour Mahler mais peu pour Strauss. Et surtout lorsque l'on sait qu'après Elektra Strauss ne reviendra jamais à ce niveau de modernité dans une partition – même si l'on peut discuter d'une autre modernité dans les thèmes entrepris ensuite.

Sur la passion, le sujet n'est jamais développé non plus. Il aurait pu l'être notamment par des lettres ou photos d'aficionados qu'on attendait pourtant, et quitte à jouer le kitsch. Même Milan n'a pas le droit à ses images de foules avec Tebaldi ou Callas. Quant au pouvoir et à la politique, le sujet est encore plus occulté, sauf avec une tentative dans la partie Leningrad avec Lady Macbeth ce qui permet un survol du Stalinisme par rapport à .

Qu'une représentation de La Muette de Portici d'Auber soit à l'origine de la révolution belge de 1830 ; que Le Duc d'Albe de Donizetti représente la lutte contre le pouvoir en Espagne – Carles Puigdemont en exil de Catalogne en ce moment en Belgique a justement été invité à une représentation de l'opéra récemment à Gand – ; que le 12 mars 2011 à Rome, lors d'une représentation de Nabucco, Silvio Berlusconi, pendant le chant patriotique Va Pensiero, ait reçu des messages écrits et oraux du poulailler et du chef d'orchestre lui-même ; rien de tout cela n'est traité.

Évidemment il n'est pas question ici de refaire l'exposition, mais l'on peut regretter ce que l'on n'y trouve pas et la faible somme de ce que l'on y trouve. Car à quelques toiles près vraiment superbes, le spectateur passe à travers cette scénographie de Carsen comme dans celles récentes du metteur en scène pour l'opéra, sans dommage et sans avoir particulièrement à réfléchir. Cela est bien fait, mais trop facile et trop simplifié pour pouvoir intéresser et orienter les axes de développement d'un public déjà cultivé sur l'opéra.

Crédits photographiques : © Victoria and Albert Museum

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