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Daniele Gatti et le RCO, nouvelle proposition mahlérienne dans Résurrection

Le chef italien, , remet une fois de plus sur le métier le corpus symphonique de . Après une intégrale menée avec le « National » entre 2009 et 2011, c'est pour l'heure à la tête du RCO, dont il est le nouveau directeur musical depuis 2016, qu'il nous donne à entendre une Symphonie n° 2 de Mahler dans une interprétation où la théâtralité saisissante du propos le dispute à la lumineuse clarté de la mise en place. Une captation « live » qui marque le premier jalon d'un nouveau projet d'intégrale mahlérienne.

Il faut bien reconnaître que l'excellence de la mythique phalange amstellodamoise n'est pas étrangère à l'affaire, ni le choix de l'œuvre, tant il est bien connu que Mahler, Strauss ou encore Bruckner constituent le cœur du répertoire du RCO. Mais il faut également rendre hommage à une interprétation qui sait rester au plus près de la partition, révélant tous les détails d'une orchestration foisonnante, sans pour autant jamais perdre le fil directeur d'une formidable lecture.

La Symphonie n° 2, dite « Résurrection », s'inscrit dans la continuité de la Première symphonie puisqu'il s'agit du héros de « Titan » qu'on enterre, pour assister ensuite à sa résurrection ; mais elle s'en distingue par une recherche du monumental marquée par l'introduction du chœur et de voix solistes, absents dans la Symphonie n° 1. Composée sous l'emprise d'une force « venue d'ailleurs » qui le soulève, Mahler se compare, lors de sa composition, à un instrument de musique dont jouerait « l'esprit du monde, la source de toute existence ». La symphonie se compose de cinq mouvements, dont le premier et le dernier sont les plus imposants et les plus dramatiques. Pour Mahler, composer une symphonie, c'est « créer un univers avec tous les moyens à sa disposition ». Dans le premier mouvement, grandiose et pathétique, le héros est porté en terre après un combat contre la vie et le destin, sorte de joute faite d'une succession d'épisodes austères et de sereines éclaircies. Dans cette épopée chaotique, la « Todtenfeier », cérémonie funèbre constituant l'Allegro maestoso initial, est conduite de façon très théâtrale par le chef milanais qui alterne de façon impressionnante drame et élan lyrique dans une lecture saisissante de reliefs et de contrastes, soutenue par une dynamique très tendue et servie par une qualité instrumentale irréprochable (de la petite harmonie en particulier).

L'Andante moderato est un intermezzo, souvent considéré à tort comme une sorte de ländler, qui fait la part belle aux somptueuses cordes du RCO dont on apprécie tout particulièrement la douceur, la profondeur, le legato et le cantabile. Court moment de bonheur avant le tourbillon absurde et grotesque du Scherzo tiré du lied Des Antonias von Padua Fischpredigt, extrait du Wunderhorn, qui sollicite tout particulièrement les cordes graves et la clarinette. Le quatrième mouvement, Urlicht (« la lumière originelle ») pour voix d'alto, est un lied tiré du même recueil, formidablement chanté par , envoûtante par son timbre, par la qualité de sa diction, par sa puissance et l'étendue de sa tessiture.

Le finale, pour voix solistes, chœur et orchestre, est inspiré d'un texte de Klopstock dont Mahler eut la révélation lors des funérailles de Hans von Bülow. Avec son « Grand Appel » des cuivres en coulisses, son chant du rossignol (piccolo) qui gazouille sur les tombes, il marque le dernier écho de la vie terrestre et précède l'entrée pianissimo et retardée au maximum (ce qui le démarque de façon catégorique du Finale de la Neuvième symphonie de Beethoven) du chœur sur l' « Auferstehen » de Klopstock, secondairement complété par Mahler qui y exprime sa confiance dans la capacité de l'homme à modeler son propre destin : « Avec des ailes que je me suis moi-même conquises, dans un brûlant élan d'amour, je m'envolerai vers la lumière invisible à tout œil, je meurs afin de revivre ». Unies dans une même ferveur sur un tempo assez lent qui majore de façon très pertinente le sentiment d'attente, la voix cristalline d' et le Chœur de la Radio néerlandaise clament, alors, le mot « Auferstehen » (« résurrection ») avant de laisser la parole à l'orchestre dans un éclat inoubliable.

Une interprétation correcte et captivante par de belles sonorités de l'orchestre et un chœur d'exception. L'album est recommandable surtout aux aficionados de l'œuvre de , également en raison d'une édition soigneuse et bien documentée.

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