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Christophe Rousset chante Balbastre au clavecin

Claude-Bénigne Balbastre fait partie de la dernière génération de musiciens de l'Ancien Régime. Apprécié comme organiste et claveciniste, admiré au Concert spirituel, il revit ici dans les mains expertes de , posées sur un instrument historique du musée de la musique à Paris.

On connaît finalement assez peu la musique pour clavecin de Balbastre. La postérité garde de lui les anecdotes d'organiste où il troublait l'ordre public avec ses Noëls joués « tous grands jeux déployés » à Saint-Roch ou à Notre-Dame. Musicien très actif au sein des activités du fameux Concert Spirituel, on lui doit des transcriptions pour le clavier d'extraits d'opéras de Jean-Philippe Rameau. Ici, on retrouve avec plaisir sa musique pour le clavecin, révélée au cours des années 1970 par Blandine Verlet pour le label Philips. Comme toujours dans ces cas-là, l'écriture spécifique à cet instrument se démarque nettement de celle pour orgue, comme chez François Couperin son prédécesseur. Les pièces de son premier et unique livre de 1759 comportent des pièces désignées comme des portraits. L'écriture puise son inspiration chez Lully, Rameau, ainsi qu'à la mode ambiante, retrouvée chez Michel Corrette ou Jean-François Dandrieu. La danse y occupe une place de choix, avec des gavottes, des gigues, et des airs souvent champêtres et populaires.

Après avoir récemment entendu en concert à Paris Christophe Rousset, on se plaît à nouveau à écouter ces portraits en musique sous des doigts bien agiles mais surtout inspirés par la pâte sonore d'un très beau clavecin historique : le Goujon-Swanen du musée de la musique de Paris. utilise souvent dans ses disques les instruments historiques de cette collection, permettant de se replacer au mieux dans une écoute proche des auditeurs de l'époque. On évalue aussi combien la facture des clavecins a pu évoluer depuis la première génération des Louis Couperin et D'Anglebert. On entendait alors des instruments plus proche du style flamand, sans doute plus polyphonique, en adéquation avec l'écriture de ce temps-là. Par la suite, le style galant prit la place, envahissant l'écriture et demandant un clavecin plus délié, plus libre et charmeur. C'est bien ce style-là, qui est celui de Balbastre, qui offre une musique plaisante, peu savante en général. On sent bien qu'il cherche avant tout à séduire par quelques rythmes endiablés aux enchaînements harmoniques convenus et des mélodies simples et accrocheuses. Le but est atteint, l'auditeur se laisse porter avec joie.

joue le jeu de la liberté, de la nonchalance et des climats. Par la suite, le disque nous offre une sonate en trois mouvements pour clavecin principal avec accompagnement de violon, comme cela se disait, ce qui aujourd'hui peut prêter à sourire. Et pourtant il s'agit bien de cela : le violon s'insère au sein même du tissu acoustique du clavecin pour montrer ensuite un jeu plus soliste dans le mouvement central Aria gratioso. On retrouve là un genre pratiqué par Cassanéa de Mondonville son contemporain, et dont Balbastre s'est manifestement inspiré. , au violon, déploie une belle sonorité baroque, en harmonie avec les textes et l'univers sonore des cordes pincées du clavecin. Enregistré dans l'amphithéâtre de la Cité de la musique à Paris, la prise de son recrée avec vérité l'ambiance intime et feutrée des salons, à l'image de la définition de l'harmonie par Dom Bedos de Celles dans L'art du facteur d'orgues : « un son moelleux, tendre, net, sonore, brillant, doux, éclatant ».

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