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SWING Museum rêvé à Dijon par Héla Fattoumi et Éric Lamoureux

On arrive dans la salle Jean Arp du Musée : personne… sauf le gardien du musée. Il s'ennuie, ce gardien, baille, s'étire et évidemment s'endort. Que fait-on lorsque l'on dort ? On rêve et il y a bien des chances que l'on rêve des statues de Jean Arp, celles qui ressemblent à des Barbapapa sans bras mais avec des drôles de silhouettes molles. Elles ont l'air statiques mais en fait elles peuvent bouger, tournoyer sur elles-même si on les aide.

À partir de cette idée du jeu avec les trois statues qui ressemblent en même temps à des pièces d'échec, profite de l'argument pour nous faire voyager à travers plusieurs séquences tour à tour tendre, agitée comme un affrontement, proche de la comédie musicale américaine, et ensuite par une plongée dans la nature avec un hérisson pour guide. Un vent farceur ramène le gardien-danseur à la réalité : il ajoute alors un bébé statue aux trois existantes.

Une musique concrète appuie cette construction : elle est d'abord cristalline pour la séquence de la plongée dans le rêve. Le danseur est alors extraordinaire de souplesse et de fluidité : il semble voler, nager parfois et comme délivré de la pesanteur. Il est dans un autre élément qu'il suggère avec une technique qui fait penser au hip-hop, en plus coulé. Le fond de scène est parcouru de bulles lumineuses,  les lumières bleuâtres accentuent cette impression de voyage hors du temps.

La seconde partie propose une réflexion sur le rapport à l'autre. Le jeu avec les « statues -quilles » de trois tailles différentes se fait plus étroit et la place du danseur n'y est pas toujours confortable : il arrive que celles-ci se fassent menaçantes et que soit obligé d'éviter leur tournoiement au ras du sol. Mais cette séquence soutenue par une musique plus véhémente et métallique est adoucie par l'humour toujours présent. Les deux mains du danseur caché derrière la grande statue peuvent figurer une chevelure du plus bel effet !

La troisième partie justifie le titre. On entend une section rythmique de jazz, sur laquelle se greffe rapidement le standard My Baby don't care. La danse devient celle de Fred Astaire, et l'on apprécie alors le clin d'œil que suggère le costume bleu « layette » avec gilet. Soudain, le plateau s'assombrit. La forêt envahit mystérieusement le fond de scène et les statues deviennent du bois mort. Cette forêt d'un vert bien vivant se pare de troncs de bouleau qui clignent de l'œil… Un hérisson à roulettes parcourt la scène, suivi bientôt du danseur à quatre pattes transformé lui-même en hérisson ! Le retour à la réalité se produit avec la danse tournoyante de l'interprète emporté par le vent violent de la musique.

La chute est inattendue en apparence, mais en réalité elle nous laisse entendre que les efforts pour établir les rapports avec autrui ne sont jamais vains et qu'ils portent leurs fruits. Cette chorégraphie est une leçon de vie, un récit initiatique sous forme de conte. Elle en a l'harmonie, due à une danse toujours belle à voir, jamais redondante ou ennuyeuse. Elle nous donne aussi, avec humour, l'espoir d'un monde meilleur.

Crédit photographique : © Philippe Laurent

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