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Élodie Marchal à l’orgue Abbey de Châlons-en-Champagne

Écouter un répertoire bien connu des amateurs d'orgue sur un instrument différent d'un Cavaillé-Coll ou d'un Merklin, voilà une belle expérience bien menée par aux claviers d'un orgue des frères Abbey, une autre grande maison de la facture romantique.

En effet, c'est un programme composé de pièces célèbres bien ancrées dans le style romantico-symphonique français que la jeune organiste distille à l'envi. De prime abord, l'intérêt majeur est de découvrir un instrument d'exception dont l'interprète est la titulaire. Que propose de différent un tel orgue quand on le compare aux autres maisons, auxquelles il faut encore ajouter celle des Puget de Toulouse ? En fait, à peu près tout, ce qui en fait un spécimen à part et unique tant par son intégrité que par sa rareté, ainsi que par ses dimensions proportionnées à la nef d'une cathédrale. De plus, une prise de son enveloppante et respectueuse de l'espace vient bonifier l'impression d'ensemble. C'est cela qui intéresse l'auditeur au-delà de toute la complexité mécanique, des difficultés multiples qui ont surgi au cours de la restauration. Seul le résultat compte bien sûr, grâce au savoir faire des facteurs restaurateurs, les frères Robert et Denis Lacorre.

Venons-en au programme lui-même, bâti autour de la palette sonore originale et très colorée que les œuvres françaises de Franck, Pierné, Widor ou Lefébure-Wély révèlent dans toutes ses possibilités. Chaque auteur se sent chez lui, miraculeusement, y compris Franck avec sa Pièce Héroïque, tant l'orgue reste rond, chaud, agréable à l'oreille. Jamais aucune dureté ou effet de masse ne vient perturber le raffinement du discours. Les tempi adoptés par sont judicieusement calculés pour faire entendre et sonner l'orgue. Une telle quantité sonore ne se manie pas sans quelque souplesse, on appréciera en particulier le tempo très modéré dans la Toccata de Widor, un peu à l'instar de ce que le compositeur lui-même laissa en testament avec un ultime enregistrement à Saint-Sulpice.

Le nombre important d'auteurs proposés permet d'appréhender bien des styles différents, depuis le charme populaire de Lefébure-Wély jusqu'aux profondes pensées de Vierne. Les jeux solistes rappellent l'orchestre, c'est leur but. Grâce à ce joyau de la facture, Élodie Marchal nous révèle les mystères d'une musique fascinante, aux effets nombreux : effets de boîte expressive, clavier de récit grave avec ses jeux de 16 pieds. Comment ne pas se réjouir d'entendre un instrument aussi juste et rendu à ses sonorités d'origine ? Grâce au travail d'un petit label, apte à fournir un résultat de qualité, et à l'équipe de tous ceux qui ont œuvré à cette restauration, l'orgue de Châlons-en-Champagne entre enfin dans le palmarès des plus beaux « symphoniques » de France. Pour l'instant, on pourra rester sur l'impression de la Méditation (improvisation) de , qui devient envoûtante sous les doigts inspirés de l'organiste, avec cette fin sur la flûte harmonique et son lit de voix célestes…

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