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L’amour dans tous ses états par Lea Desandre et Thomas Dunford

, étoile montante particulièrement lumineuse et , déjà une star sur les scènes baroques, tournent ensemble dans toute l'Europe pour rendre hommage à l'affect amoureux exprimé dans les trois premières décennies du XVIIe siècle.

Au tournant des XVIe et XVIIe siècles, la polyphonie vocale a cappella qui avait connu une formidable floraison a pris fin ; l'heure est désormais au règne de la mélodie accompagnée, du recitar cantando. La clarté de la prosodie avant tout, la musique doit exprimer les affetti évoqués dans le texte. La métamorphose stylistique de Monteverdi illustre à elle seule ce changement radical de la conception musicale. L'interprète fait maintenant preuve de créativité débordante à travers des ornements et des variations que lui permettent les chansons strophiques avec leurs mélodies, simples de base.

Ces variations et ornementations, et les pratiquent avec une liberté rafraichissante, débordante de jeunesse. Deux interprètes exceptionnels naviguent, comme des poissons dans l'eau, dans ces états émotionnels intenses. Si les tourments, les prières, la douceur, le soupçon, le mépris, la beauté, ou encore l'amour maternel n'ont aucun secret pour le souffle inspiré de , improvise comme un jazzman toutes les ritournelles et tous les agréments en reprenant, en transformant à sa guise les mélodies et les harmonies, avec une virtuosité rare. Ainsi, les Toccatas de Kapsberger qu'il joue en solo entre les deux chants sont époustouflantes, non seulement dans les échos qu'il donne à la voix mais aussi dans l'interprétation purement instrumentale. Lorsque les notes aiguës dépassent légèrement sa tessiture, Lea Desandre sait profiter de cette contrainte pour créer un effet vocal qui renforce encore davantage l'émotion, en piano ou pianissimo ou en retirant sa voix. Sa diction d'une grande clarté exprime toutes les nuances du texte, en insufflant des couleurs qui leur sont propres. Aux côtés des airs connus de tous comme Ombra mai fu et Lascia ch'io pianga de Haendel, on entend deux airs de Frescobaldi, qui font tout de suite référence à l'art du clavier : Così mi disprezzate exigeant une agilité vocale accomplie, et Se l'aura spira, simple mais très spirituel.

En bis, d'abord Auprès du feu l'on fait l'amour de Marc-Antoine Charpentier, puis, pour le deuxième bis, la chanteuse demande à la salle de choisir, très décontractée : « Italien ou français ? » Finalement, elle offre un Ombra mai fu d'une douceur exquise.

Crédit photographique © Salle Cortot

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