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Inoubliable Requiem de Brahms par Haitink à Munich

En pleine possession de ses moyens, offre un nouveau sommet musical au public munichois.

Le concert de avec l' revient chaque année avec une régularité métronomique ; ce n'est pas ce qu'on appelle une rencontre inédite, mais le triomphe tout aussi prévisible à la fin du concert ne doit pas faire illusion : si l'événement est prévisible, la richesse musicale et émotionnelle, elle, est à chaque fois unique.

Cette fois, c'est le Requiem allemand de Brahms qui est au programme. Les choix interprétatifs de Haitink ne surprennent pas, mais le résultat, lui, est d'une intensité rare. Il ne s'embarrasse pas de sentiments, mais l'austérité et le recueillement qu'il choisit sont plus émouvants que toutes les ambitions dramatiques. Le premier mouvement, pris à un tempo assez lent, débute par le murmure des cordes graves, impalpables sans perdre rien en couleurs, et l'entrée du chœur, aérien, d'une homogénéité rêvée, a la pureté d'une polyphonie de la Renaissance. Le second mouvement, au contraire, surprend par la manière dont il suit l'indication de tempo de Brahms, « marschmäßig », comme une marche, appuyée sur des timbales très présentes, avec un tempo qui, par contraste, paraît presque rapide sans jamais tomber dans la précipitation. Des moments de répit contrastent avec des moments de marche funèbre, et les crescendos ont une force écrasante non par les décibels, mais par la manière implacable dont Haitink les construit.

La première intervention de la basse a la concentration, la ferveur de la prière, tout autant déclamatoire qu'implorante ; l'acoustique aléatoire de la Philharmonie nous renvoie cette fois la voix de à travers une réverbération d'église romane, ce qui n'est dans ce cas pas mal venu, et sa voix d'airain, malgré ses fragilités, est parfaitement en situation. On sent partout dans cette courte soirée que Haitink prend très au sérieux ce qui fait la force du Requiem de Brahms : pas de Dies irae, pas de Judex venturus, pas de Rex tremendae majestatis, mais la consolation, la transfiguration de la douleur, les morts devenus bienheureux par la force de l'esprit. Ce n'est pas un affadissement, c'est au contraire un feu intérieur ; l'orchestre, qui n'a besoin de personne pour être excellent, y trouve une nourriture spirituelle qui l'amène à des sommets de beauté sonore.

Il suffit de voir Haitink diriger pour comprendre à quel point il apprécie le luxe absolu qu'est dans une pareille œuvre le , capable de rester, du piano au fortissimo, toujours aussi uni, aussi capable de nuances et d'allègements ; il est rare de voir un chœur, collectivement, trouver avec autant de naturel la force de conviction du prédicateur, à force de musicalité, de nuances, et d'un travail parfait sur l'articulation. Sans eux tous, et sans Howard Arman qui les a préparés, un tel concert n'aurait pu être possible.

Crédit photographique : © Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks.

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