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Madame Pylinska et le secret de Chopin

Après Beethoven (Kiki Van Beethoven) ou Mozart (Ma vie avec Mozart), Chopin est au centre du dernier roman autobiographique d’Éric-Emmanuel Schmitt.

Le jeune Éric-Emmanuel connaît une épiphanie en entendant sa tante jouer Chopin sur le piano de famille. Devenu étudiant, il décide de prendre des leçons pour apprendre à jouer Chopin, chez Madame Pylinska. Personnalité excentrique, sa pédagogie passe par des recommandations peu pianistiques (« Cette semaine […] vous apprendrez à cueillir les fleurs sans faire tomber la rosée »), par des considérations musicales sérieuses – mais souvent factices, par exemple sur les mérites comparés de Liszt et Chopin – ou drôles (délicieuse parodie de la scène du nez de Cyrano de Bergerac). Grâce à l’intransigeante Madame Pylinska, le narrateur suit un parcours initiatique jusqu’au « secret de Chopin », mais également à la découverte de l’amour et de sa vocation littéraire, non sans évoquer l’issue de la Recherche du temps perdu, œuvre à laquelle l’auteur fait allusion à plusieurs reprises : le voyage à Cabourg évoque Balbec, l’auditeur déconcentré par une araignée suspendue au-dessus de la pianiste rappelle la « bougie tressautant à chaque fortissimo » sur un piano pendant un concert (Du côté de chez Swann).

Ce n’est pas la première fois en littérature et au cinéma que la leçon de musique devient une leçon de vie avec, au centre, la figure du professeur (Tous les matins du monde, La leçon de piano, Whiplash…). Ici, l’enseignement de Chopin passe par l’attention au monde et à son propre corps, et pousse à dépasser l’opposition stérile entre virtuosité et sensibilité, envisagée par l’intellectuel. Une pédagogie somme toute pas si excentrique. Nous pouvons rêver d’un roman dans lequel cette réflexion soit plus poussée (peut-être au détriment du rythme de la narration ?), ou servie par des images parfois moins convenues, pour décrire la dimension charnelle autant que spirituelle de l’apprentissage pianistique et son articulation complexe avec ses exigences matérielles. Mais le héros nous le dit simplement : « Je ne veux pas jouer bien, madame, juste jouer mieux. » Éric-Emmanuel Schmitt reste un bon conteur chez qui les images sonnent justes et sans mièvrerie.

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