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Soirée autour du Dvořák américain avec le Quatuor Jérusalem

Intégralement axé sur Dvořák et plus particulièrement sa période américaine, le concert du Quatuor de Jérusalem à l'Auditorium de Radio France commence par un Quatuor « Américain » particulièrement inspiré, avant de se poursuivre avec l'opus suivant, le Quintette à cordes, où figure aussi l'altiste . Le programme s'achève après l'entracte avec le Sextuor à cordes, en compagnie du violoncelliste .

Chefs-d'œuvre de la musique de chambre, les quatuors de Dvořák restent relativement rares dans les programmes des saisons françaises, surtout dans de grands auditoriums comme celui de la Maison de la Radio, magnifique et totalement adapté à la musique de chambre (au moins pour les spectateurs du parterre et des corbeilles). Dans cette salle remplie au tiers par un public au silence religieux, le Quatuor de Jérusalem s'installe modestement au centre de la scène et se prépare à interpréter une fois de plus un ouvrage pour lequel il a livré douze ans plus tôt l'un des plus beaux enregistrements existants.

L'Allegro ma non troppo du Quatuor n° 12 opus 96 démontre tout de suite la qualité du groupe autant que de ses individus, avec dès l'introduction le violon sensible et particulièrement inspiré d'Alexander Pavlovsky, tout de suite rejoint par le second violon de Sergueï Bresler, puis par l'alto d'Ori Kam. Pendant que les trois musiciens s'échangent les mesures de croches avec une superbe facilité dans les respirations et l'agencement des parties, le violoncelle de Kyril Zlotnikov entre sur les blanches liées avec une magnifique profondeur, bien qu'il soit encore sur la tessiture haute de son instrument. Doucement, l'alto et le second violon installent le climat du Lento, soutenus par les pizzicatos discrets du violoncelle. Puis Alexander Pavlovsky développe son thème, l'un des plus beaux traits de génie du maître tchèque, avec un souffle splendide, aussi puissant lorsque Zlotnikov récupère le thème ensuite. Le Molto Vivace relance vers une superbe dynamique et conduit rapidement au Finale, de la même portée que le reste de l'œuvre dans cette magnifique interprétation.

Le Quintette à cordes opus 97, écrit par Dvořák à la suite du Quatuor « Américain », clôture ce que l'on peut considérer comme une trilogie états-unienne débutée par la Symphonie « Du Nouveau Monde ». Troisième quintette à cordes du compositeur, il est le premier pour une formation avec deux altos, sur le modèle de Brahms, tandis que les deux autres utilisaient une contrebasse en plus d'un ensemble de quatuor à cordes classique. Ici, le groupe perd quelque peu en substance avec l'ajout d'une invitée, à l'alto, qui connaît forcément moins bien les autres musiciens, et ne parvient pas à allouer le même caractère à ses phrases, alors qu'elle ouvre la pièce et y tient une grande importance. Le groupe, moins condensé, trouve cependant encore de superbes élans dans la légèreté du Larghetto, particulièrement dans les gestes amples du premier violon et la chaleur du violoncelle.

Le Sextuor à cordes opus 48 clôture ce concert où aucun bis n'est offert. Les mêmes musiciens qu'au Quintette entrent en scène après l'entracte, avec en plus le violoncelle de , pour aborder une pièce encore plus brahmsienne que les deux autres, de quinze ans antérieure aux compositions américaines. Déjà pourtant, Dvořák insère des bribes de thèmes populaires dans sa partition, et il permet à l'ensemble de développer ses larges phrases, même si avec deux violoncelles le soutien dans le grave se montre plus présent. La très jolie Dumka médiane permet de profiter encore de l'aisance et du naturel des musiciens, mais ne saurait faire oublier le chef-d'œuvre sublimement interprété par le Quatuor de Jérusalem seul en première partie.

Crédits photographiques : © Robert Torres

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