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Escale au Festival Musique à la Ferme

Cette année, le festival « Musique à la Ferme » prend ses quartiers au mois de mai. Une initiative réussie, car elle a su attirer un public nouveau qui venait pour la première fois dans ce cadre si attachant et authentique de Lançon-Provence. La programmation de cette 11e édition promettait de la diversité et des découvertes, et ce fut effectivement le cas au cours de ce week-end.

Le concert Swing à la ferme est l'occasion d'entendre le trio Surel, Segal et Gubitsch. Trois instruments pour cordes, trois personnalités distinctes. Pourtant, c'est bien avec évidence que le trio trouve un langage commun pour créer cette musique propice au voyage et empreinte d'images suggestives. Tous auteurs, les musiciens nous font découvrir certaines de leurs propres pièces. Leur style révèle ainsi une musique inclassable aux multiples influences, dont le classique, mais aussi le tango, le jazz et parfois le rock avec des accents jazz latino. Un mélange des genres qui trouve pleinement sa place dans le paysage musical d'aujourd'hui.

Avec naturel, la ligne du violon s'immisce dans les conversations pleines de douceur sucrée entamées par la guitare de Gubitsch (El sobrevuelo de Pegaso, Round Midnight) que vient compléter un violoncelle innovant avec son groove proche d'une ligne de basse. Interprétées avec la spontanéité que le live permet, les créations originales dévoilent un travail du rythme et du son (Escales, Sol) mais aussi une variété de textures et de formes (Changing everything). L'approche parfois expérimentale ouvre sur d'autres univers ainsi que des possibilités illimitées. On a parfois l'impression d'entendre plus que trois musiciens sur scène et que d'autres compères sont venus les rejoindre (Persécution et Fugue). La dimension sensorielle, mais aussi cinématographique de certains morceaux nous transporte dans un ailleurs où nous sommes tout autant spectateur qu'acteur (Bebe, Persécution et Fugue). Le trio offre trois bis, dont Nuages de Django Reihnardt, revisité.

Le lendemain matin, nous avons rendez-vous à la chèvrerie pour un périple à travers les vallées suisses jusqu'au pays basque. Cette fois-ci, nous écoutons le Trio Talweg dans lequel nous retrouvons le violoniste . Ce concert s'épanouit une nouvelle fois hors des sentiers battus. Hors-d'œuvre de choix, Tristia est extrait des années de pélerinage de Liszt, sorte de journal-souvenir musical traduisant notamment les impressions au contact de la nature. Si la partition originale est écrite pour le piano, nous entendons ici l'arrangement pour violon, violoncelle et piano. Le jeu est équilibré et met en lumière les contrastes subtils de ces pages romantiques, d'un caractère hautement spirituel et très personnel. Les interventions de chaque instrument apportent profondeur et beauté expressive dans chaque développement des thèmes. Le lyrisme est vibrant, et cette vision contemplative de la nature n'est pas figée : elle conduit l'auditeur au travers d'une succession d'états intérieurs.

Un grand écart de style attend le spectateur avec l'œuvre qui suit. Les 5 pièges brefs du compositeur basque nous entraînent dans un monde parfois déconcertant et abstrait. Nous suivons le son et le geste, étroitement liés à travers ces miniatures sonores aux multiples effets bruités. Le trio nous donne des clefs pour pénétrer cet univers aux titres non dénués d'humour (Hameçon, Le collet ou Le filet). Le trio enchaîne avec des extraits de Moment écrit par Gubitsch. L'éclectisme des textures et des harmonies caractérise ce cycle. On y retrouve un sens expérimental de premier plan. Si la première pièce a un côté jubilatoire avec un groove jazzy, la deuxième dévoile des plages plus paisibles et évanescentes, parfois dans un clair-obscur, pour mieux faire ressortir les passages plus engagés et révoltés. Le dernier volet réunit tous les éléments caractéristiques de cette musique variée aux influences multiples.

Changement d'atmosphère avec le Trio en la mineur de Ravel, composé à Saint Jean de Luz. Le premier mouvement reprend un thème folklorique basque ainsi qu'un rythme de zortziko. Le trio ne manque pas de planter un décor qui semble réel notamment dans un premier mouvement aéré, empreint de poésie. Les mouvements suivants sont contrastés à souhait et font apprécier une écoute attentive entre les musiciens. Ils respirent ensemble à travers un jeu homogène, parfois fougueux et brut dans les climax.

Les artistes offrent en bis l'Andante con Moto du premier trio de Mendelssohn. Nouveau registre et nouvelle facette qui se fond avec bonheur dans ces pages romantiques portées par une expression touchante, notamment dans sa modulation, ainsi qu'un cantabile éloquent côté clavier.

Crédits photographiques : © Musique à la Ferme/Trio Talweg @ Masha Mosconi

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