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2018, magnifique Quinzième édition du Lille piano(s) festival

Une nouvelle fois, Lille piano(s) festival a réuni pendant deux jours et demi nombre de pianistes excellents dans une ambiance toujours aussi chaleureuse et conviviale. L'édition 2018 restera globalement un très grand cru, comme celle de l'année précédente d'ailleurs. Seul vrai regret, comme chaque année : la programmation propose parfois plusieurs concerts à la même heure en des lieux différents, ce qui contraint le critique à faire des choix, au risque de les regretter parfois… Mais c'est un choix délibéré des organisateurs.

Tout avait pourtant assez mal commencé ; lors du concert d'ouverture, présentait le Concerto de Schumann avec des commentaires qui auraient été plus en situation devant un public scolaire (la sortie « venez découvrir la musique classique ») que devant les amateurs de piano qui suivent ce festival et qui, à en juger par les commentaires entendus après le concert, n'ont pas tous apprécié d'être ainsi traités ; était-il indispensable de leur expliquer qu'un concerto oppose un soliste à un orchestre ? Présentation d'autant plus mal venue que l'exécution du concerto lui-même a été marquée par de nombreux accrocs, le finale frôlant même la sortie de route malgré l'accompagnement attentif de et de l'. Et pourtant la pianiste gardait la tête dans la partition, alors qu'il s'agit d'un des chefs-d'œuvre les plus connus du répertoire…

Le lendemain en revanche, les moments de grâce se sont succédé. d'abord, au conservatoire de la ville, enthousiasmait dans une Sonate n° 9 de Prokofiev rêveuse et lyrique à souhait, et une incandescente Cinquième sonate de Scriabine, ce vertigineux poème pianistique. Seule la Waldstein pouvait déconcerter par ses emballements et ses prises de risques ; mais quel pianiste ! Dommage que les organisateurs n'aient pas songé qu'un conservatoire est bruyant : les cours venaient parfois perturber l'écoute par un fonds sonore irritant.

Retour à l'Auditorium du Nouveau Siècle ensuite pour deux concertos, le Dix-neuvième de Mozart, joué avec probité, mais sans génie particulier, par , et un merveilleux Premier concerto de Chopin illuminé par l'élégance aristocratique d', au jeu d'une rare perfection et d'une émotion pudique bouleversante. L' sous la baguette de son chef se révélait un accompagnateur idéal pour cette lecture de très haut vol.


La journée se poursuivait sur les mêmes hauteurs avec un récital Lugansky, un peu trop réservé peut-être dans la Suite bergamasque de Debussy, mais comme toujours éblouissant dans la Barcarolle de Chopin et un florilège de Préludes de Rachmaninov, compositeur dont le pianiste russe est décidément l'un des meilleurs interprètes actuels, si ce n'est LE meilleur. On le retrouvait le lendemain avec son compatriote à deux pianos pour la Suite n° 2 d', une page assez bavarde et de peu de poids musical, ainsi qu'une fantastique version hantée de spectres de la Valse de Ravel et, de nouveau, une impressionnante Deuxième suite de Rachmaninov au panache ébouriffant. Deux bis, de Piazzola et George Benjamin ont montré l'osmose entre les deux pianistes capables de jouer à la perfection sans partition (à deux pianos, bel exercice de virtuosité collective !).

Enfin le concert de clôture offrait à nouveau deux concertos, le superbe Deuxième de Saint-Saëns joué avec beaucoup de sérieux, mais un peu trop de neutralité, par , avant un fantastique Deuxième concerto de Liszt par , pianiste anglais de 26 ans, vainqueur du concours Liszt de Budapest en 2011, véritable révélation de ce concert. L'Orchestre de Picardie était cette fois dirigé par , accompagnateur toujours impeccable malgré quelques déséquilibres un peu surprenants (les timbales tendant à passer au premier plan devant les cordes dans Liszt). Splendide.

Lugansky, Korobeinikov, El Bacha, Ullman, il n'y a guère qu'à Lille qu'on peut entendre ainsi une pareille quantité de pianistes inspirés en un si court laps de temps. Encore bravo à ce festival qui fêtait son quinzième anniversaire !

Crédits photographiques : ; Andrei Korobeinnikov ; / Arie van Beck © Ugo Ponte / OnL

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