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Renaud Capuçon, Edgar Moreau, Denis Kozhukhin colorent la rentrée de Flagey

Flagey ouvre sa saison avec une affiche remarquée. Ce concert d'ouverture réunit , et le pianiste , cher au cœur des Belges depuis sa victoire au Concours Musical International Reine Elisabeth en 2010 autour d'un programme chambriste. est par ailleurs artiste en résidence à Flagey cette saison.

La première partie de cette soirée est consacrée à Debussy et débute avec deux sonates composées par un « Claude de France » déjà souffrant et proche de la fin. Le projet initial de six sonates pour divers instruments ne sera d'ailleurs pas mené à son terme. Seules trois pièces, la Sonate pour violoncelle et piano, la Sonate pour violon et piano et la Sonate pour flûte, alto et harpe seront finalement achevées.

Dans la Sonate pour violoncelle et piano, le ton est donné d'emblée par – le violoncelle domine pour partie les trois mouvements de cette sonate. Sa technique virtuose qui n'est plus à souligner et ce jeu naturel et expressif en font un subtil passeur de Debussy. Il saisit intelligemment les contrastes des différents mouvements, les touches fantasques ou ironiques ou les accents étranges d'influence hispanique qui colorent le final.

À présent, entre en scène pour la Sonate pour violon et piano. Sonate qui touche forcément l'élève de Gérard Poulet, fils de Gaston qui fut le créateur de cette pièce en 1917 avec le compositeur au piano. Une pièce plus mélodique parcourue de couleurs (faussement) joyeuses et d'où s'échappent des accents tziganes. , en merveilleux chambriste, dispense le vibrato avec sobriété, le son est chaud, pas très projeté, on reste dans la finesse d'un violon qui s'exprime à mi-voix mais produit mille impressions. La variété et la précision des coups d'archets est remarquable. Ci et là, quelques traits de brillance discrète. Il semble que ce Guarneri del Gesù (c'est le Panette, le violon d'Isaac Stern qui porte à présent son nom) lui sied mieux encore que le dernier Stradivarius. Serein et bienveillant, il se fend de quelques effets scéniques, glissades, douces facéties ou équilibres.

Puis vient une jolie surprise : le Trio de Debussy, une pièce assez peu jouée, œuvre de jeunesse d'un compositeur en devenir. Après un deuxième mouvement primesautier, les instruments entrent graduellement par de courtes phrases mélancoliques et presque tendres. Le piano de Kozhukhin soutient constamment les cordes, émaillant leur discours de quelques notes perlées. Un mouvement d'une beauté plus fiévreuse nous emmène jusqu'au final « appassionato » à l'issue abrupte.  Une prestation qui ici encore laisse une impression de fluidité et de clarté.

Après l'entracte, les musiciens entament le Trio pour piano de . L'œuvre considérée comme l'un des joyaux du genre se présente comme une succession de tableaux de caractère tantôt emportés, tantôt songeurs et mélancoliques. Les rôles des musiciens sont ici répartis de façon plus équilibrée même si les cordes semblent mener à de nombreuses reprises. La rythmique basque du premier mouvement « modéré » crée une dynamique étonnante tandis que les cordes par des crescendi ou des mouvements chromatiques installent la tension sous-jacente à la pièce.
La qualité de son des cordes est à souligner. L'ingéniosité et la virtuosité des musiciens est sans cesse sollicitée par les effets variés exigés par la partition : harmoniques, pizzicati, techniques d'archets diverses. Les instruments reprenant tour à tour des motifs mélodiques se voient offrir tantôt de brèves expressions solistes, tantôt de courts dialogues et ou de subtils contrepoints. Après la mélancolique Passacaille expose le thème par des notes basses de piano, le trio se clôt dans l'animation d'un final que le pianiste semble avoir vécu comme une épreuve sportive, s'il faut en croire son soupir à l'issue de cette performance. Son jeu a pourtant été solide et enchanteur.

Les musiciens, très souriants mais légèrement réservés nous gratifient d'un bis : le Pantoum du trio de Ravel interprété nous semble-t-il avec une énergie plus brute. Applaudissements, exclamations joyeuses : la saison débute à Bruxelles.

Crédits photographiques : Denis Kozhukhin © Marco Borggreve

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