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Le Festival de Jérusalem en tournée à Paris

La pianiste fédère avec talent la crème des interprètes dans cette nouvelle édition du Festival international de musique de chambre de Jérusalem.

Depuis 1998, le festival rassemble au YMCA de Jérusalem et autour de la figure de sa fondatrice, , des interprètes de renoms, sans cachets, au service de la musique. À la différence des concerts d'une célébrité « and friends », parvient à institutionnaliser et pérenniser une formule qui ne sacrifie rien au sérieux et à l'engagement de l'interprétation et qu'anime chaque année un esprit de découverte. La Philharmonie de Paris les accueille ce soir, comme elle l'a fait régulièrement, dans leur tournée européenne. Le Studio s'avère un cadre intime à la belle acoustique, adapté à la musique de chambre et en particulier au recueillement qu'inspirent les musiques choisies ici. En outre, les interprètes entretiennent tous des relations plus ou moins proches avec Daniel Barenboim, le mari de Bashkirova, qu'il s'agisse de (le fils, lire notre entretien), de membres du West Eastern Divan Orchestra (toujours Michael Baremboim et Mohamed Ibert, , également membre du Jerusalem Quartet), du fidèle , ou de , membre du Staatsoper Unter den Linden, qui remplace ce soir Gyula Orendt. Un esprit de famille qui ne manque pas de faciliter la musique d'ensemble.

La première partie présente des formations en duo avec Elena Bashkirova et s'ouvre avec les Variations sur Judas Macchabée de Haendel, un des trois cycles de variations pour violoncelle et piano de . L'œuvre fait la part belle à la partie de piano, qui est même seule présente dans la première variation. C'est pourtant le violoncelliste qui capte l'attention, par son expressivité justement dosée dès la variation 4 ou le détaché léger de la difficile variation 7, et généralement par sa capacité à investir, en lien avec sa partenaire, tous les moments de cette œuvre pourtant un peu secondaire de Beethoven. Dans la variation XI, peut-être la plus belle du cycle, quelques mesures suffisent à emporter l'auditeur, le temps d'un solo introspectif et pur de la pianiste et d'une entrée du violoncelle.

vient ensuite interpréter les Quatre chants sérieux de , en remplacement des Chants bibliques de Dvořák. Également d'inspiration biblique, l'œuvre composée au soir de la vie de Brahms et de son amie Clara Schumann, est empreinte de l'amertume des textes de l'Ecclésiaste avant la faible lueur d'espoir de l'Épitre aux Corinthiens de saint Paul. Le timbre sombre et grave du baryton doublé de son talent maintenant connu pour le lied (dans Schumann notamment) sont tout à fait saisissants. L'intensité dramatique de l'interprète, parfois violente, dans le début d'« Ô Tod wie bitter bist du », est fondée sur le sens de la musique et l'articulation claire des mots et non sur des effets sentimentaux ou opératiques. Nouveau changement de répertoire avec Kol Nidrei, de , ici dans sa version réduite pour piano et violoncelle. s'épanouit pleinement dans le lyrisme mélancolique de ce thème de prière juive, sans tomber dans le travers d'un trop plein d'expressivité.

Les Sept dernières paroles du Christ de , forment à elles-seules la seconde partie du concert, dans une de ses quatre versions, peut-être l'une des plus données, celle pour quatuor à cordes. Il se dégage non seulement une belle cohésion du quatuor mais aussi une intelligence de tout ce qui fait la variété de l'œuvre et propre à rompre la monotonie de cette succession de mouvements lents : l'importance accordée aux silences, les échanges et les développements des phrases musicales entre les pupitres, l'évolution de la pulsation donnée par un ostinato très appliqué du violoncelle. L'aspect dramatique exprimé par exemple dans les attaques, les contrastes de nuances ou certains silences, reste cependant parfois contenu, par exemple dans l'introduction. Le terremoto final clôt cependant la passion du Christ et le concert avec ferveur.

Crédits photographiques : Elena Bashkirova © Nikolaj Lund

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