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Krzysztof Książek dans Chopin, tantôt rêveur tantôt péremptoire

nous propose un nouveau récital Chopin, cette fois sur piano moderne, après un premier album enregistré sur un hammerklavier Buchholtz (NIFC) et surtout un Concerto n°1 récompensé d'une Clef ResMusica. Ce programme assez homogène est centré sur les œuvres de la période 1839-1841, à deux exceptions près.

Le jeune virtuose polonais, demi-finaliste du concours Chopin de Varsovie 2015, vient de remporter un troisième prix au même Concours Chopin 2018, dédié aux prestations sur instruments historiques.

Książek joue la carte de la spontanéité et du changement d'éclairage au fil des pages dans les juvéniles Mazurkas op. 7, qu'il a déjà gravées dans une perspective historique sur piano d'époque. Mais placées dans la même optique (trop ?) directe, celles de l'opus 50 appellent plus de réserves, par l'éclairage assez univoque qu'y apporte le pianiste polonais, notamment dans l'abyssale troisième, une fois comparé à Pavel Kolesikov, par exemple, plus pudique et très nuancé et au rubato bien plus souple et probant (Hyperion).

Pour trouver Książek à son meilleur, autant se diriger vers un très mesuré Prélude op. 45, aux phrasés habilement peaufinés et à la sonorité discrète très perlée, même s'il n'y fait pas oublier Benedetti-Michelangeli (DG). De même, le Nocturne op. 48 n°2 réserve de beaux moments, sans toute fois retrouver l'élan fiévreux qu'y glissait un Fazil Say (Warner), ou le cantabile désenchanté qu'y distillait un Nelson Goerner (Alpha), pour nous en tenir à des versions récentes.

Mais le reste du récital n'atteint pas les mêmes relatifs sommets. La grande Valse op. 42 est quelque peu expédiée, sous le feu d'accelerandi assez brutaux et d'un rubato peu raffiné. Et surtout les grandes architectures, les pièces aux courbes plus longues et denses, où le soliste doit affirmer une réelle conception d'ensemble et trouver le fil conducteur d'une pensée musicale mûrement réfléchie, laisseront sans doute l'auditeur sur sa faim. La progression vers la lumière de la Fantaisie op. 49 nécessite dans ses redites une plus grande variété d'éclairages, des oppositions de registres et de nuances moins téléphonées et un sens de l'architecture plus affirmé. Le ton se fait péremptoire voire même cassant et la sonorité se durcit, dans les sections extrêmes d'une Polonaise op. 44 instable dans son voltage; la partie médiane notée « tempo di mazurka » y est en effet quasi idéale par ses effets de lointain enrobés d'une sonorité vaporeuse. Mais la véritable pierre d'achoppement de ce disque est un Scherzo op. 20 très dichotomique dans ses oppositions, à l'approche exacerbée partagée presque caricaturalement entre emportement un peu brouillon des sections extrêmes « diaboliques » et l'étalement presque sirupeux d'une section centrale trop calme, en totale rupture de tempo, et ici bien longuette.

La réalisation est quelque peu oblitérée par une captation technique à la fois proche et réverbérée, gerçant le son de l'instrument dès le moindre mezzo-forte, et assez confuse dans les passages les plus polyphoniques ou tourmentés.

En conclusion, voici un disque par moment prometteur sans être exceptionnel. Cette réalisation un peu inaboutie fut captée début 2016 par un jeune pianiste de vingt-quatre ans et laisse entendre un interprète à la croisée des chemins. Depuis près de trois ans, Krysztof Książek, artiste attachant, a en effet remis son ouvrage sur le métier et notamment par le truchement et la pratique des instruments « historiques », sa vision du répertoire s'est certainement affinée et décantée.

 

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