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La Campana sommersa, l’opéra englouti de Respighi

Malgré le succès de sa création en 1927 à Hambourg comme de ses reprises en 1928 à New York, en 1929 à la Scala, La Campana sommersa (la Cloche engloutie) de Respighi a régulièrement replongé dans les oubliettes de l'histoire. Quinze ans après une version de concert en 2003 au Festival de Radio-France à Montpellier (éditée chez Accord), cette nouvelle tentative du Teatro Lirico de Cagliari sera-t-elle la bonne ?

Le renom d' Ottorino Resphighi repose sur certaine Trilogie romaine (Pins, Fontaines et Fêtes) et sur certains Airs antiques, où ce compositeur de la Génération dite « des 1880 » (Casella, Pizzetti, Malipiero) a démontré son génie de symphoniste. On sait moins qu'il a, comme Wagner, composé dix opéras, dont, mis à part La Fiamma, l'on connaît aujourd'hui à peine les titres. Respighi était très à l'écoute de la musique de son temps et cela se sent dans cette Campana sommersa entre Debussy (le début est presque celui du III de Pelléas), Strauss, Korngold,  résolument affranchie de toute tentation dodécaphonique. Attaché à la redécouverte de raretés, le Teatro Lirico de Cagliari redonne vie à ce septième opéra respighien au moyen d'une excellente distribution et d'un orchestre à l'avenant. La mise en scène de Pier Francesco Maestrini est très littérale, ce qui convient à une œuvre méconnue qui vit là une énième création.

Le livret de Claudio Guastalla fait beaucoup penser à celui de Rusalka. Les amours voués à l'échec d'une ondine (Rautendelein) et d'un fondeur de cloches (Enrico) sont prétexte à une réflexion sur la dualité des puissances de la Nature et de la Religion, notamment à travers du personnage d'un Faune militant contre la manie toute humaine de violer la terre en la couvrant de chapelles et de polluer l'air avec l'envahissant son des cloches.

Les différents tableaux, très bien mis en lumières, sont d'une simple beauté. Le plateau, rehaussé par une vidéo aussi intrigante que les peintures de Caspar David Friedrich, et circonscrit de ténèbres propices à de belles entrées et sorties, évoque le célèbre camembert du Neues Bayreuth. On pense beaucoup à Wagner avec cet Enrico qui entre en scène comme Siegmund, ou ce cercle infranchissable que Rautendelein trace autour de son amant endormi. Il y aura même la forge de Mime… Les costumes sont très naturalistes (Ondin avec écailles et queue) sans ridicule, même en plan rapproché.

et possèdent les moyens exigeants de leur partie respective, elle des aigus très naturels, lui la puissance d'une italianità très puccinienne. Respighi exige aussi beaucoup du Faune, personnage essentiel de l'action, qui ne pose aucun problème à , aux aigus très offensifs. Un Ondin émouvant () en prétendant évincé puis comblé, une Magda puissante () en épouse effacée puis délaissée, complètent avec bonheur, comprimarii et chœur féminin compris, une distribution sans faux pas où seule la Sorcière très maternelle d' manque d'un brin d'ampleur dans le grave. Tous bénéficient de la direction brillante de , pour qui la partition semble n'avoir aucun secret.

Alors que manque-t-il pour que la résurrection de ce beau poème symphonique avec voix, filmé avec soin par Tiziano Mancini, soit complet ? A l'indéniable talent d'orchestrateur de Respighi, un don mélodique, à tout le moins ce qu'on appelle un tube comme le Lied de Marietta dans La Ville morte (le magnifique crescendo de la « profession de foi » d'Henri à l'Acte III n'est pas loin de remplir ce rôle), qui permettrait à cette Campana Sommersa de refaire définitivement surface.

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