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La Mort de Danton de Gottfried von Einem à Munich

Le Théâtre de la Gärtnerplatz à Munich ressuscite efficacement une œuvre qui a fait date.

Festival de Salzbourg, 1947. Pour sa troisième édition de l'après guerre, le Festival affiche quelques œuvres phares de son identité autrichienne, Jedermann bien sûr, mais aussi Les Noces de Figaro et Arabella ; pour la première fois depuis la fin du nazisme, il affiche aussi une création, celle d'un jeune compositeur de 29 ans, qui a le mérite d'être autrichien, non compromis avec le nazisme, et peu suspect de vouloir renouer avec les avant-gardes de l'entre-deux-guerres. , en collaboration avec son maître qui en écrit le livret, choisit un texte éminemment politique : La Mort de Danton, c'est d'abord une étude sur la fascination du verbe de Robespierre et sur les crimes dont elle est le terreau. En 1947, c'est un sujet d'autant plus actuel que le compositeur lui-même, encore adolescent, avait subi l'attraction efficace de la rhétorique nazie.

Le second opéra de Munich n'a pas toujours une politique artistique suffisamment affirmée pour lui éviter de rester dans l'ombre de son grand voisin, mais cette résurrection est sans nul doute un pas dans la bonne direction, quand bien même la modernité très tempérée de von Einem en fait moins un chef-d'œuvre unique qu'une tragédie efficace dont l'intérêt est avant tout historique. Les scènes de foule sont sans doute la partie la plus ambitieuse de la partition, mais elles ne vont pas sans quelque confusion ; les monologues, plus intimes comme celui de Lucile à la fin de la première partie ou plus grandioses comme les discours de Danton et de Robespierre, impressionnent beaucoup moins, mais leur écriture plus conventionnelle ne leur retire pas une efficacité dramatique somme toute plus forte que dans les grandes scènes. Cette Mort de Danton dure une heure et demi, comme Wozzeck qui en est un lointain modèle, mais elle n'a ni la même économie de moyens, ni la même rigueur dans la construction du drame.

La mise en scène de est au diapason de l'œuvre et de ses limites : avec les moyens réduits mis à sa disposition, il ne cherche pas vraiment à poser la question du sens de l'œuvre, ni à mettre en relation 1794 et 1947, mais son spectacle séduit par sa clarté et par quelques belles images – les têtes des Dantonistes prêtes à être coupées à la fin de la première partie constituent certainement la plus impressionnante. Les chanteurs font tout leur possible pour tirer parti du peu que Blacher et von Einem leur offrent pour caractériser leurs personnages ; la distribution, dominée bien sûr par Danton (), ne comporte pas de faiblesse, et on y remarque notamment l'impeccable ténor pour Robespierre, et plus encore la belle Lucile Desmoulins de . L'orchestre et surtout les chœurs de la maison, sous la direction de leur directeur musical , sonnent souvent trop fort dans une salle sans doute trop petite pour cette œuvre de grand format, mais ils donnent une idée riche et précise de cette œuvre qui, à défaut de mériter son inclusion durable au grand répertoire, mérite qu'on fasse le détour.

Crédits photographiques : © Christian POGO Zach

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