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Requiem pour L. par Alain Platel, la mort sur grand écran

Réduit à un accompagnement musical sans saveur et à un travail scénique minimal, Requiem pour L. ne va nulle part, mais la démarche est encore plus problématique que cela.

Dans les arts du spectacle, la simplicité est souvent une vertu. Face au Requiem de Mozart, choisit un dispositif simple : en fond de scène, une vidéo montre la mort d'une femme, en plan presque fixe – c'est cette L. qui est citée dans le titre, sans qu'on sache quoi que ce soit d'autre sur elle. Sur la scène, des parallélépipèdes noirs de hauteur diverses, qui font penser à des tombes ou au monument berlinois aux victimes de la Shoah. Debout, assis, couchés sur ces tombes, une quinzaine de musiciens, chanteurs classiques ou non, instrumentistes, pour la plupart africains, qui interprètent une partition qui intègre les grands moments du Requiem de Mozart et des influences africaines. Le tout pendant une heure et quarante-cinq minutes.

On pourra discuter de l'éventuel voyeurisme du dispositif, tout comme de ce présupposé esthétique curieux qui veut que l'art ne peut que s'effacer devant la reproduction mécanique de la réalité. On pourra aussi trouver pour le moins problématique que les musiciens africains présents sur scène aient eu besoin de la médiation de pour avoir droit de cité sur nos scènes. Ce phénomène par lequel on consent à présenter les productions artistiques et intellectuelles de citoyens du vaste monde à condition de les passer au filtre d'une médiation porte un nom : l'appropriation culturelle. Ce que fait Cassol est une forme de world music, autrement dit non pas une ouverture au monde, mais une manière de digérer ce qui nous est étranger pour en neutraliser toutes les aspérités. Musicalement, c'est sans saveur et sans force, tant c'est aseptisé ; scéniquement, il n'y a rien à voir à part quelques stéréotypes de danse en rythme sur la musique ; émotionnellement, on peut se laisser prendre par la mort en direct (ou presque), ou n'y voir qu'un processus qui affirme sa vérité pour se dispenser de toute réflexion.

Crédit photographique : © Chris van der Burght

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