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De Lassus à Bach avec les Tallis Scholars

Le célèbre ensemble de était de passage à Paris, à l'Oratoire du Louvre, pour un programme entièrement religieux et, comme à son habitude, a cappella.

Le niveau des Tallis Scholars a peut-être baissé par rapport à leurs années fastes, comme nous le remarquions récemment à l'occasion du festival de Namur, mais il s'agit toujours d'un ensemble de haut niveau, auquel il faut savoir gré de rester fidèle à son répertoire de prédilection (les XVIe et XVIIe siècles), sans donner l'impression de tourner en rond. Les intonations sont très justes, les lignes bien dessinées et les timbres à la fois différenciés et harmonieux. Sous la direction inspirée de , les dix chanteurs font leur miel du langage musical qui domine dans les messes et motets de cette époque, qui balance en permanence entre homorythmie et contrepoint.

On aurait pu imaginer que, pour les œuvres à double chœur, les groupes de chanteurs soient éloignés l'un de l'autre, notamment dans le Deutsches Magnificat de , ou dans la Missa octava de , un disciple de . Mais au moins la cohésion entre les huit voix est-elle sans faille. Dans le célébrissime Miserere de , une spatialisation intéressante est mise en place, qui permet de mettre en relief les différentes sections du texte : cinq chanteurs face au public dans le chœur, un ténor seul au milieu de la nef, et le deuxième chœur à quatre voix en hauteur, sur une tribune latérale. L'effet est saisissant, et la beauté des aigus contrebalance bien les faiblesses passagères du ténor solo.

Les motets en chœur simple à cinq ou six voix, en seconde partie, sont l'occasion d'entendre la belle intensité dont sont capables ces Tallis Scholars, notamment un Ad Dominum cum tribularer de Hassler tout en chromatismes, ou les très beaux Die mit Tränen säen et Selig sind die Toten de Schütz. Les quelques défauts de prononciation de l'allemand n'enlèvent presque rien à l'impression de netteté qui se dégage.

C'est enfin le retour au double chœur, avec le motet de Komm, Jesu, Komm BWV 229, une œuvre funèbre qui est, comme les quelques autres motets connus du Cantor de Leipzig, très largement redevable à ceux des prédécesseurs entendus ce soir. Comme chez Schütz, l'équilibre est subtil entre une forme inventive et une expression poignante. C'est sans complexe que et ses Tallis Scholars s'emparent de la partition, prenant assez vite les paroles « Die Kraft verschwindt je mehr und mehr » ou, au contraire, affirmant une certaine verticalité dans la longue section « Du bist der rechte Weg… » sans céder au doux confort rythmique du 6/8. La deuxième partie du motet où les deux chœurs se rejoignent, est remarquable par l'ampleur du son et par la ferveur que les chanteurs atteignent. Elle achève de confirmer que les Tallis Scholars restent une valeur sûre.

Crédit photographique : © Nick Rutter

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