- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Une soirée particulière avec David Christoffel au Festival d’Automne

Maître d'œuvre de la soirée donnée au Théâtre des Abbesses, s'est entouré d'artistes sonores qui travaillent comme lui dans l'entre-deux de la musique et de la poésie.

Compositeur, poète et créateur radiophonique à l'imaginaire foisonnant, est l'invité du Festival d'Automne qui lui a passé commande de deux pièces, Tapisserie n°1 et 2, partitions emblématiques d'un concert où la voix, live ou enregistrée, se confronte à l'instrument dans des espaces et des dispositifs aussi variés qu'inattendus.

Dans Tapisserie n°1, Christoffel est sur scène, assis à côté du saxophoniste Richard Ducros pour dire son texte dans un flux très doux que la ligne instrumentale ourle discrètement ; sans synchronie toutefois mais dans une respiration commune et un certain détachement qui ne va pas sans une forme d'humour. Dans Tapisserie n°2, la voix tressée avec les lignes du marimba et de l'accordéon est toujours conductrice, se jouant des mots et du sens avec la même fluidité, le travail très fin sur l'articulation et les variations de débit rendant l'écoute captive. La confrontation est plus musclée dans la version jazz fusion de Grab it! du Néerlandais où le saxophone ténor – électrique Richard Ducros – suit la voix enregistrée (celle d'un prisonnier) comme son ombre, dans une recherche de fusion/distorsion du timbre. Le talent du saxophoniste s'exerce avec la même acuité dans Hard, une œuvre déjà ancienne (1988) pour saxophone ténor de : un théâtre de sons, sans les mots cette fois, diversifiant les « tessitures » et les énonciations, du chuchotement à la profération, jusqu'au cri que libère in fine le saxophoniste.

Trois pièces du compositeur et performer milanais Alessandro Bosetti, passionné lui-aussi par le maillage texte-son, figurent au programme, dont une commande du Festival d'Automne, Double, fantaisie radiophonique pour accordéon et voix et enregistrée. Performance polymorphe, la composition met en vedette qui assume tout à la fois la partie instrumentale, le discours qui s'y incruste (on y parle d'accordéon) et le déclenchement des samples, avec une coordination sans faille. Alessandro Bosetti est sur scène dans It is an island, une « histoire de submersion », de la voix par le flux sonore via un jeu de lumière suggestif.
Pas de texte à proprement parlé mais un geste et un duo instrumental percutants avec l'Ensemble Links, , percussion et , pianiste et compositeur dont trois œuvres sont également à l'affiche. Larsen et autres distorsions du son alertent l'écoute dès le début du concert – Praeluradium – où les bruits blancs et autres frémissements de la caisse claire cernent avec la bande un espace étrange et discontinu. 61 stèles sollicite de même les baguettes et la virtuosité de Remi Durupt, sur le marimba cette fois, relayé par l'électronique. Vost, autre commande du Festival passée au compositeur et saxophoniste Antonin-tri Hoang, réunit sur le plateau les frères Durupt dans un duo vibraphone et piano dont on peine à cerner les enjeux sinon la cohérence. Pas de double instrumental pour le poète Jean-Michel Espitallier mais un métronome placé sur le devant de la scène pour régler le tempo d'une performance aussi drôle qu'inquiétante, Pourquoi continuer ? (commande du Festival), où il s'obstine à questionner les questions.

Ce sont ces choses « en dessous du message et qui semblent plus importantes que le message » nous dit , que ce dernier a mises en scène dans ce concert original dont les douze pièces s'enchaînent, voire se tuilent : tel ce finale quasi opératique, de Bosetti à Durupt, où tous les instrumentistes se retrouvent peu à peu sur le plateau pour jouer Studi Sulla Notte (originellement pour piano préparé et dispositif électronique) dans une version festive et agrandie pour l'occasion par .

Crédit photographique : © Frank Ferville

(Visited 484 times, 1 visits today)