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Marc et Pierre Hantaï honorent Bach à la salle Cortot

Deux des trois frères Hantaï proposaient au public parisien un programme de sonates pour flûte traversière et clavecin, reprenant exactement celui de leur disque sorti en janvier chez Mirare.

Écouter ces œuvres en concert jouées sur une réplique de flûte d'époque, fût-ce dans un lieu parfaitement conçu pour la musique de chambre comme la salle Cortot, c'est renoncer au confort d'écoute auquel le disque nous a habitués. C'est accepter de sacrifier le premier mouvement joué à la nécessaire adaptation de nos cerveaux saturés de stimuli en tous genres. C'est en somme mettre son oreille au niveau de finesse qui caractérise cet instrument délicat. Mais quand les interprètes sont au niveau des frères Hantaï, cela en vaut largement la peine.

D'emblée, deux choses frappent l'auditeur : l'entente presque parfaite des deux musiciens, presque sans se regarder pourtant, et le jeu d'une subtilité extrême à la flûte. Non que fasse preuve de maniérisme, dans des partitions qui ne le tolèrent pas vraiment. Mais son phrasé et son articulation sont d'une variété et d'une évidence remarquables, tandis que le son est limpide et finement travaillé. Le flûtiste est capable de faire passer la plus grande délicatesse (Largo e dolce de la sonate BWV 1032) comme la plus grande énergie (Allegro final de la sonate BWV 1034, très expressif). Virtuose, il fait paraître faciles des mouvements qui demandent une très grande agilité. Il peut donner une impression de grande liberté rythmique (comme dans la Siciliana de la sonate BWV 1035) sans jamais donner celle de se perdre et sans se désunir d'avec le clavecin. Celui-ci, sans l'aide d'un violoncelle ou d'une viole de gambe comme on l'entend parfois, charpente solidement la musique, mais sans étouffer la flûte dans un carcan rythmique (par exemple dans l'Allegro de cette même BWV 1035). Dans les deux sonates pour basse continue, s'autorise une grande inventivité à la main droite. Parfois tout de même un peu trop, notamment dans le sublime Andante de la sonate BWV 1034, pris en outre à un train d'enfer et avec un jeu de luth plutôt disgracieux. Cette impression est naturellement absente des deux sonates avec clavecin obligé. De style plus concertant, elles mettent en valeur l'art des deux musiciens pour faire sentir notamment, dans les mouvements rapides, la pulsation sous-jacente aux motifs mélodiques, en particulier dans le Vivace de la BWV 1032 et dans le Presto de la BWV 1030.

La flûte de est enfin mise en valeur dans l'unique œuvre pour flûte seule de Bach connue (et encore était-elle peut-être écrite à l'origine pour hautbois ou pour violon), la Partita BWV 1013. Plus libre, le flûtiste prend son temps pour sculpter ses phrases avec beaucoup de recherche dans l'articulation et dans l'agogique (Allemande et Courante notamment), là où trop de ses confrères semblent ne voir dans cette œuvre qu'une occasion de montrer leur virtuosité.

On savait Marc et de grands interprètes de Bach, mais quel plaisir de pouvoir le vérifier encore.

Crédit photographique © Maxppp / Frédéric Girou/Photopor/Ouest France

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