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Prégardien et Gees dans Die Schöne Müllerin, parfois discutables mais engagés

En conclusion d'un week-end Lieder très réussi à la Philharmonie de Paris, et donnent une interprétation intéressante de La Belle Meunière, parfois discutable, mais où le ténor montre son immense savoir-faire, en dialogue avec un piano passionné, particulièrement à l'écoute.

Le choix de tonalités plus graves que la version habituelle pour ténor est certainement cohérent avec les qualités actuelles de la voix de . Sans doute est-ce un peu frustrant, en regard des interprétations qu'il a pu donner autrefois, dans les passages les plus lyriques ou dans les aigus suspendus des Lieder calmes et douloureux. Mais son immense talent d'interprète de Lieder est présent tout au long du cycle. Il fait de chaque Lied une aventure, avec des contrastes explicites mais pertinents, de l'un à l'autre et à l'intérieur de chacun d'eux. On est frappé par l'interaction entre le piano et le chant, notamment dans les élans passionnés. L'accentuation de certains effets pianistiques, au risque d'un romantisme moins sobre que celui de Schubert, mais qui a son charme, fait aussi écho au maintien de la tension dramatique et aux rebondissements de l'histoire du meunier, vécue par le ténor.

Dès le début du cycle, avec Das Wandern, le choix d'interprétation est posé. Le piano, aux sonorités très liquides, avec beaucoup de pédale, se veut à l'image du ruisseau, au risque de manquer de rigueur. Mais l'attention du pianiste pour son partenaire est palpable et leur complicité émouvante. nous raconte une histoire. Avec une maîtrise extrême de ce cycle, une intimité de longue date avec son texte et sa musique, il privilégie, dès cette introduction, l'incarnation du personnage, comme un acteur. Chacune des strophes est traitée de façon spécifique, accentuant la pédagogie du texte et des intentions. Des ornements inhabituels renforcent cette différenciation.

Après un Ungeduld excellent, très rapide, Morgengruss illustre ce profond dialogue entre le piano et le chant avec une grande poésie, entre silences et rêverie. Puis dans Tränenregen, ils construisent un univers émotionnel très touchant. Mein est assez loin de la ferveur adolescente qu'on y attend, avec une voix beaucoup plus virile, comme si elle incarnait déjà la colère, la révolte, qui viendront ensuite avec la confrontation au rival. Dans Pause, et dans d'autres Lieder, on retrouve des ornements, parfois presque comme une vocalise à l'italienne, qui surprennent, voire dérangent parce qu'ils paraissent nuire à la tension émotionnelle – mais peut-être est-ce seulement le manque d'habitude de l'auditeur et il est toujours intéressant de découvrir d'autres options d'interprétation. se permet aussi parfois quelques ornementations peu orthodoxes.

Excellant dans les changements d'ambiance, pianiste et chanteurs poursuivent le parcours sentimental dans ses errances entre douleur, jalousie et renoncement mélancolique. Leur Die Liebe Farbe est bouleversant et Die böse Farbe particulièrement réussi vocalement. La fin du cycle est d'ailleurs très belle. On quitte les péripéties passionnées, vers un autre monde.

Christoph Prégardien et , non sans générosité après un tel cycle, reviennent pour Liebesbotschaft, extrait de Schwanengesang, avec beaucoup de fraîcheur, puis Der Lindenbaum, du Winterreise, conclusion riche de contrastes.

Crédit photographique : Christoph Prégardien © Marco Borggreve

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