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Gravité : La leçon de chorégraphie d’Angelin Preljocaj

Avec Gravité, présenté pour la première fois à Paris depuis sa création en septembre à la Biennale de Lyon, offre un véritable glossaire de son vocabulaire chorégraphique. Une démonstration brillante de sa suprématie sur la danse française.

Alternant depuis ses débuts pièces de recherche, plus abstraites, et ballets narratifs, réunit avec Gravité une parfaite synthèse entre les deux genres. Sans être narratif, ce ballet contemporain réunit des séquences, des atmosphères, des intentions, qu'il pourra à loisir réutiliser et développer dans les pièces à venir.

À l'instar d'un recueil de nouvelles, Gravité enchaîne une multitude de pièces courtes : solos, duos dédoublés, ensembles, autour d'un seul et même fil conducteur : la gravité. Et pour unifier ces propositions chorégraphiques, il choisit une scénographie simplissime à base de découpes de lumières signées – rectangles, cercles, bandes lumineuses, qui encadrent et valorisent les danseurs.

Le chorégraphe a travaillé avec eux à différents états de corps, autour de la sensation de pesanteur. Il s'ensuit un rapport, plus si courant dans la danse aujourd'hui, à la lenteur.

D'une grande rigueur et d'une absolue méticulosité, l'écriture chorégraphique se déploie dans une technique irréprochable, assurée par d'excellents danseurs. L'homogénéité technique de la compagnie, son endurance, sa solidité, suscitent le respect et l'admiration. Développés à la seconde ou attitudes, équilibres parfaitement tenus, ensembles impeccables, la compagnie prouve ainsi qu'elle répond aux meilleurs standards internationaux. La créativité et l'inventivité du mouvement n'est pas en reste, alors que Preljocaj aurait pu se reposer sur son expérience et puiser dans des figures déjà familières. Non, il cherche et trouve des combinaisons et des figures inédites, des portés complexes, tout en puisant dans l'air du temps des pratiques corporelles.

Il y a de très belles et envoutantes séquences dans Gravité, dans lesquelles le rythme de la musique épouse celui des corps et des cœurs. Des passages précieux ou guerriers sur de la musique baroque, des accélérations fébriles sur de la musique électronique et surtout une fascinante et inédite version du Boléro de Ravel, qui vaut, à elle seule, le déplacement. Construite autour de deux cercles concentriques de danseurs, hommes et femmes, il s'agit plus d'une sarabande que d'un boléro. Discret hommage à la célébrissime version de Maurice Béjart, on y retrouve un port de bras, de main ou le plié d'une jambe.

Adepte de la retenue, Preljocaj ne se laisse jamais aller au lyrisme des sentiments ou au débordement des sens. Son langage est maîtrisé, presque empesé, faisant résonner ce mot de « gravité » dans toutes les acceptions du terme – une certaine forme de sérieux.

Crédit photographique : © Jean-Claude Carbonne

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