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Le dernier Mozart par Mathieu Herzog et l’ensemble appassionato

Loin des querelles de clocher, ne prétendant appartenir à aucun courant esthétique, ne répondant ni aux préceptes baroqueux, ni à un quelconque classicisme archaïsant, ce Mozart de et de l' séduit par la justesse synthétique et consensuelle de son inspiration et par la théâtralité de son interprétation.

Ceux qui souhaitaient écouter Mozart dans le confort ronronnant d'un cantabile douillet en seront pour leurs frais ! Point de galanterie dans cet enregistrement, mais du théâtre, et tout particulièrement du drame, dans cette trilogie symphonique ultime composée en 1788. Une année noire pour Mozart (après l'échec de Don Giovanni à Vienne) qui cherche encore des raisons d'espérer, malgré la détresse qui l'étreint, en se tournant de nouveau vers la franc-maçonnerie, et en composant ces œuvres qui reproduisent musicalement l'idéal maçonnique et doivent être considérées comme un tout, ce dont atteste la symbolique des différentes tonalités. La Symphonie n° 39 s'ouvre sur un Adagio qui symbolise l'ouverture des travaux en Loge, la Symphonie n° 40 est traversée par l'aspiration à la sérénité, alternant détresse et puissance dans une lutte très beethovénienne, la Symphonie n° 41 débute par le triple battement du rituel maçonnique et se conclut sur une fugue symbolisant la construction achevée et la fin des travaux… Le dernier mouvement de la 41e répond au premier de la 39e et clôt un triptyque qui symbolise les difficultés du chemin initiatique. Partant du chaos initial où des rythmes brisés et des battements violents suggèrent le désordre, le déroulement musical va progressivement s'organiser pour mener, finalement, à la Lumière éblouissante de l'ordre retrouvé.

La 39e dite Symphonie maçonnique s'ouvre de façon très théâtrale, quasi opératique, rappelant l'Ouverture de Don Giovanni. Les timbales y sont véhémentes, la clarinette omniprésente, les cordes acérées, dans un phrasé assez abrupt, chargé d'urgence, d'emblée dramatique, et riche en nuances. L'Andante se déroule dans une lourdeur figée et angoissante au son du basson et de la petite harmonie. Le Menuetto, sans galanterie aucune, prend plutôt des allures militaires par sa rythmique très marquée. Le Final fougueux s'appuie sur des cordes volubiles, des vents ironiques et des tutti conquérants.

La Symphonie n° 40 débute par un Allegro, là encore très opératique, se développant sur des cordes très expressives, urgentes, obsessionnelles, et des contre chants de vents, dans une parfaite lisibilité et une lumineuse clarté. L'Andante ambigu, faussement serein est chargé d'angoisse. Le Menuetto véhément et combattif, interrompu par un trio aux allures pastorales où apparaît brièvement le cor, précède un Allegro conclusif tumultueux, à la dynamique enlevée et tendue. Une 40e de belle facture, peut-être trop lumineuse qu'on aurait souhaité, plus tragique et angoissante.

La Symphonie n° 41 « Jupiter » conclut ce triptyque et marque pour Mozart la fin de la symphonie, comme l'opus 111 marquera l'adieu à la sonate pour Beethoven. Elle constitue assurément la fin du voyage initiatique (si c'est envisageable !)  et son chef-d'œuvre par la beauté et l'équilibre de la construction achevée. Un chemin vers la Lumière qui commence dans la lutte de l'Allegro, et fait suite au dernier mouvement de la 40ème pour ensuite s'éclaircir dans la douceur mélancolique de l'Andante cantabile et dans la paix retrouvée du Menuetto, avant que la fugue finale ne conclue de façon jupitérienne cette grandiose péroraison unissant toutes les forces de l'orchestre.

Par ce bel album, Mozart a trouvé un interprète de choix en la personne de , ancien altiste du Quatuor Ebène, secondairement reconverti à la direction d'orchestre et fondateur de l'excellent ensemble appasionato. Sans se prendre pour ce qu'il n'est pas, cet enregistrement propose assurément une nouvelle approche, un nouveau regard, sur cet « oratorio instrumental » mozartien qui trouvera aisément sa place entre les interprétations historiquement informées et les grands classiques de référence.

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