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A Luxembourg : pour Wagner et Anja Harteros

Programme postromantique franco-allemand savamment concocté pour servir à la fois la soliste et la phalange nationale : une nouvelle belle soirée à la Philharmonie du Luxembourg.

La programmation des grands concerts symphoniques est souvent constituée d'un schéma aisément reconnaissable d'une soirée à l'autre : en guise de hors-d'œuvre un morceau peu connu dû à la plume d'un compositeur contemporain ou jugé en son temps avant-gardiste, destiné à élargir les horizons d'un public aux goûts par définition plutôt conservateurs ; pour achever la première partie une pièce vocale ou instrumentale d'importance visant à mettre en valeur un grand soliste international ; enfin, après l'entracte, une symphonie du grand répertoire orchestral qui permet de souligner la virtuosité et les qualités musicales de l'orchestre. Le tout récent concert d', et l' ne fait pas exception à la règle.

Avec Im Sommerwind, idylle pour grand orchestre d'après un poème de Bruno Wille, la pièce d'introduction est ce soir une œuvre de jeunesse de Webern, encore toute empreinte du postromantisme d'un Mahler, d'un Strauss ou même d'un jeune Schoenberg. Résolument tonale, cette œuvre encore descriptive et figuraliste, visant à décrire, imiter ou transcrire les bruits de la nature, se prête idéalement, par son chromatisme prégnant et ses nuances exacerbées, à la mise en valeur des pupitres d'un grand orchestre symphonique. gère à la perfection le subtil mariage des timbres ainsi que toute la place accordée au(x) silence(s) dans cette partition d'un grand raffinement d'écriture. L'orchestre se fait plus discret pour les Wesendonck-Lieder de Wagner, interprétés par une en état de grâce. À ce stade de sa carrière, l'instrument de la cantatrice est idéal pour ces pages qui requièrent à la fois la limpidité du timbre, la perfection du legato ainsi que toute la projection qui permet de passer l'orchestre. Harteros a toute la puissance vocale nécessaire pour rendre justice à « Schmerzen », les longues phrases chantées pianissimo du bout des lèvres qui font toute la beauté de « Im Treibhaus », ainsi que le pouvoir évocateur qui permet, dans « Träume », d'ouvrir les portes de l'infini et de l'imaginaire. Tenons-nous là une future Isolde ? L'avenir le dira. Si cette Isolde voit le jour, ce sera une grande…

Après cette superbe première partie, la Symphonie en ré mineur de aura peut-être déçu, probablement parce que Gimeno a choisi de privilégier le côté clinquant – oserions-nous dire « français » ? – de la partition, sans doute pour se démarquer de l'esthétique postromantique allemande priorisée en début de concert. L' n'en fait pas moins la brillante démonstration de la qualité de ses vents et de ses cuivres, autant de caractéristiques qui font ces concerts de l'orchestre de la maison de grands moments de bonheur. Belle soirée, donc, marquée par un professionnalisme toujours aussi convaincant et par quelques vrais moments de grâce.

Crédit photographique : Anna Harteros et © Alfonso Salgueiro

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