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Bart Jacobs réinvente les concertos pour orgue de Bach

Quelle idée géniale que de reconstituer des concertos pour orgue et orchestre à partir de sinfonias avec orgue obligé de cantates de ! C'est ce que nous proposent l'ensemble belge et l'organiste dans cet enregistrement, offrant ainsi quatre concertos inédits du Cantor de Leipzig.

Bach nous a laissé cinq concertos pour orgue seul (basés sur des œuvres de Vivaldi ou d'autres compositeurs italiens) mais aucun concerto pour orgue et orchestre, comme l'a fait son contemporain Haendel. Il y a pourtant matière, dans ses cantates en particulier, à réunir de quoi reconstituer plusieurs concertos sur ce modèle. Les réemplois sont une pratique courante dans l'œuvre de : les sinfonias des cantates utilisent parfois des concertos pour hautbois ou violon, et certains mouvements sont aussi réemployés dans les concertos pour clavecin. Parmi les allers-retours caractéristiques de cet usage, citons les deux premiers mouvements de la cantate BWV 169, provenant d'un concerto perdu préexistant, et réutilisés dix ans plus tard dans le concerto pour clavecin BWV 1053. Il semble que Bach lui-même ait utilisé ses symphonies avec orgue sous forme de concertos au cours d'un concert mémorable à Dresde en 1725. Quant aux trois sinfonias présentes séparément dans cet enregistrement, l'orgue y remplace l'instrument mélodique, hautbois ou trompette, ce qui était un usage fréquent dans l'exécution des cantates. La sinfonia en ré majeur utilise le prélude de la partita pour violon seul BWV 1006, que Bach lui-même a réemployé dans la cantate BWV 29.

Bien au-delà de la froide archéologie musicale, le présent enregistrement nous offre un véritable feu d'artifice grâce à une interprétation vivante et joyeuse. Le choix de l'orgue Dominique Thomas de Bornem, construit en 2013 sur le modèle d'un instrument de Silbermann, proche de ceux que connaissait à Leipzig, est parfaitement judicieux. Dans les sinfonias avec orgue, l'organiste doit s'adapter aux circonstances et à la composition de l'instrument dont il dispose. Bach ne fournit aucune indication de registration et l'usage de la pédale est laissé à la discrétion de l'interprète. Rappelons que Bach ne jouait pas sur de petits orgues positifs comme on en voit tant aujourd'hui mais sur des instruments de tribune comportant plusieurs claviers, même pour l'accompagnement des cantates.

Les mélanges de jeux choisis par sont particulièrement bien adaptés à l'écriture de ces symphonies, et on appréciera que les registrations soient précisées dans le livret. Quant à l'orchestre des Muffatti, qui tire son nom du génial Georg Muffat, il est à la fois fougueux et précis, avec des attaques franches et des tempi allants. C'est leur septième disque pour le label Ramée dont chaque opus est un bel objet, à la présentation soignée et à la prise de son somptueuse.

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