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David Fray et Renaud Capuçon : de l’expressivité dans Bach

Alors que paraît leur enregistrement de Sonates de Bach, et se retrouvent au Théâtre des Champs-Élysées pour associer ces chefs d'œuvres à la Sonate « à Kreutzer » de Beethoven. Surprenant.

La première partie du concert est consacrée à trois des six sonates pour violon et clavier de : BWV 1018, 1016 et 1017. Avec seulement deux instruments, le compositeur offre une musique dense, donnant le rôle égal aux deux instruments de manière tout à fait exceptionnelle à cette époque. Aussi toutes les qualités de chambriste de et rendent-elles la richesse de ce texte. Le rôle du piano n'est pas anodin ici, allant jusqu'à parfois s'imposer. Ici, le pianiste est fidèle à lui-même (notamment à ses Concertos de Bach) et assume totalement ses partis pris : un toucher rebondi, un travail particulier d'articulation, assortis à une profonde et sincère recherche d'émotion. Il faut dire que l'oreille est peu habituée à ces sonates en version pour piano et violon, quand les œuvres solistes ou concertantes au piano sont courantes. Cette version peut donc déconcerter, mais le plus souvent elle semble ouvrir des voies d'expressivité encore inouïes.

Chaque sonate alterne quatre mouvements vifs et lents, en opposition marquée. Dans les mouvements vifs, David Fray et dessinent de manière lumineuse l'architecture des voix, où la main gauche du pianiste est bien présente. Le dialogue est accompli entre le violon et les deux mains depuis le Vivace emporté du BWV 1018 à l'Allegro virtuose et farouche terminant la BWV 1017, pour ne citer qu'eux. Dans les mouvements lents, les interprètes explorent de nouveaux champs d'expression, avec les moyens et les couleurs que permettent leurs instruments. Il y a le phrasé justement lyrique de Renaud Capuçon et un plaisir du beau son velouté, qui font souvent merveille lorsque le violon tient la partie principale. Certes Bach paraît parfois presque méconnaissable, provoquant même un certain ennui dans l'Adagio qui ouvre la BWV 1016 avec ses arabesques chantournées. Mais de belles surprises apparaissent, comme cet Adagio de la BWV 1018, dans lequel le mouvement perpétuel des triples croches du piano, joué avec une finesse d'articulations et de nuances dans les pianos par David Fray, est surplombé par le mouvement constant et sobre des croches du violon. Citons encore le Siciliano, introduisant la sonate la plus grave de ce concert (BWV 1017), dans un tempo étonnamment allant, mais fort chantant.

L'interprétation presque pré-romantique de Bach semblait appeler la Sonate en la majeur de Beethoven pour la deuxième partie du concert. Cette célèbre œuvre de la virtuosité, dédiée d'abord au violoniste George Bridgetower, puis, à la suite d'une querelle, à Rodolphe Kreutzer (qui ne la joua jamais en public d'ailleurs), est plus consensuelle dans ce programme, mais réussie. Les qualités du violoniste y sont plus évidentes : dans l'Adagio sostenuto-Presto, c'est lui qui porte le drame et l'énergie de la musique. Le piano le suit, avec une partie fort difficile, mais pourrait être plus riche en contrastes, ne permettant pas tout à fait la confrontation attendue entre les deux instruments. Après les variations très élégantes du second mouvement, avec une finesse de jeu dans le détail au violon comme au piano, Renaud Capuçon et David Fray terminent le monument de 40 minutes par un Presto enthousiasmant dans son rythme de tarentelle. Pour finir, deux bis reviennent aux mouvements lents de sonates de Bach (un peu frustrants sans la suite !), dans tout leur lyrisme délicat.

Crédits photographiques : Renaud Capuçon © MatHennek, David Fray © Sumiyo Ida

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