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One of a Kind de Jiří Kylián entre au répertoire à Stuttgart

Austère et peu stimulante pour la créativité des danseurs, la pièce a le mérite de mettre en lumière les aspects plus sombres de l'œuvre de Kylián.

est certes un produit du ballet de Stuttgart, où s'est joué son destin de chorégraphe, mais cela faisait longtemps qu'il n'avait pas collaboré avec lui. Plutôt qu'une création, c'est l'entrée au répertoire d'une pièce ambitieuse et sombre, One of a Kind, qui marque ces retrouvailles. One of a Kind, on pourrait traduire Unique en son genre : il s'agissait en 1998 de célébrer les 150 ans de la constitution néerlandaise, ce qui n'apparaît pas comme une occasion idéale de créer de la danse. La pièce était ensuite passée au Palais Garnier, toujours avec le Nederlands Dans Theater, avant d'entrer au répertoire du Ballet de l'Opéra de Lyon en 2008.

Cette nouvelle étape de son parcours montre que le résultat dépasse largement la circonstance initiale de sa création. Pourtant, la pièce est loin de l'humour et de la sensualité à fleur de peau d'autres pièces de la même période : sa singularité tient largement à l'atmosphère austère qui la parcourt au long des trois actes, et s'il s'agit d'exalter les libertés civiques et la démocratie conquise par les Néerlandais au milieu du XIXe siècle, il faut bien dire que la jubilation est ici entièrement absente – mais rien n'indique dans ce que Kylián nous donne à voir qu'il entend mettre en danse une réelle réflexion politique, qui serait à vrai dire un domaine assez peu fréquenté par la danse. L'émotion n'est pas vraiment là, mais ce qui frappe le plus (et qui a peut-être, après tout, un sens politique) est la solitude frappante des danseurs : de solos en duos, trios, quatuors, les danseurs sont confrontés à l'autre en tant qu'individu. À un seul moment, à la fin du deuxième acte, tous les danseurs font front, et c'est peut-être le moment le plus fort de la soirée.

La danseuse qui émerge de la fosse d'orchestre au début du spectacle joue un rôle déterminant dans l'œuvre, dans laquelle elle joue le rôle de fil conducteur. Pour cette double représentation, l'après-midi est placée sous la férule de , la soirée sous celle de : deux étoiles expérimentées de la troupe de Stuttgart, qui peuvent donner l'impression que ce rôle central ne leur donne pas beaucoup d'espace pour développer une interprétation et une présence propres. Sans doute la seconde y parvient-elle un peu mieux, d'autant qu'elle a dans ses duos un soutien de choix en la personne de . Les deux représentations de ce dimanche laissent le spectateur un peu sur sa faim, à force de laisser voir des mécaniques certes parfaites mais un peu sans âme. La chorégraphie y est pour beaucoup, on l'a dit, mais le manque de familiarité des danseurs actuels du ballet de Stuttgart avec Kylián n'y est peut-être pas pour rien. Dans les deux distributions, le duo formé par la toute jeune Vittoria Girelli et le toujours stimulant sort tout de même du lot, et permet de ne pas oublier quelle belle fabrique de talents peut être cette compagnie, à l'époque où Cranko découvrait Kylián aussi bien qu'aujourd'hui.

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