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Les Esprits prennent congé avec élégance dans Schubert

Pour leur dernier disque avant séparation, le a choisi de se plonger dans les chef-d'œuvres de la dernière année de Schubert. Ils concluent là un parcours de sept années de joyeuse complicité, jalonnée par trois disques magistraux consacrés à Schumann et Beethoven, puis Brahms et Dvořák.

Déclaration d'amour comme tout ce qu'ils ont joué ensemble ou ultime provocation en s'attaquant à un corpus majeur du répertoire, Les Esprits bousculent une discographie bien établie dans l'esprit d'une schubertiade entre amis, ainsi que l'affectionnait ce cher Franz, à défaut de voir sa musique publiée de son vivant.

Si au cours de sa brève existence, Schubert était connu essentiellement comme compositeur de lieder, depuis la fin du XIXᵉ siècle, son œuvre immense ne cesse de séduire les musiciens et le public qui apprécient au plus haut point cette musique très inspirée, parlant au cœur, favorisant la rêverie et l'exaltation des sentiments.

Parmi la discographie foisonnante des deux trios, ils s'octroient une place de choix avec une lecture naturelle d'une élégance suprême, comme une conversation entre amis où le piano d' mène toutefois les débats, avec aisance, profondeur, poésie et une distinction remarquable. Une nostalgie sereine pointe parfois à l'instar de leurs grands aînés du Beaux-Arts Trio. Ils ne renouvellent certes pas le discours, mais ils l'allègent avec vivacité dans une interprétation qui nous comble de joie. On apprécie en outre le choix de la version développée pour le finale du trio en mi bémol majeur avec un magnifique contrepoint basé sur le thème du célèbre Andante.

La bonne surprise de ce double album, vient de la rare Fantaisie en ut majeur D. 934 en quatre mouvements de forme libre selon un schéma proche de la Wanderer Fantaisie. Cette œuvre avait été commandée à Schubert en 1827 par deux jeunes instrumentistes tchèques de talent, le pianiste Carl Maria von Bocklet et le violoniste Josef Slavík. D'une écriture généreuse et virtuose, elle dérouta le public lors de la création à Vienne en janvier 1828 et ne fut publiée qu'en 1850. Avec de belles lignes mélodiques du violon, elle développe un duel ludique entre les deux instrumentistes où l'on perçoit des réminiscences beethovéniennes. La subtilité et la délicatesse du violon de répond à l'affirmation du piano d'. Précisons que Bocklet tenait aussi le piano lors de la création des deux trios avec le fameux violoniste Ignaz Schuppanzigh et le violoncelliste Joseph Linke, lesquels avaient également créé les Quatuors op. 59 de Beethoven.

On a beaucoup parlé de l'arpeggione, cet instrument pourtant éphémère né de l'imagination du luthier viennois Johann Georg Stauffer, qui ambitionnait de fusionner la guitare et le violoncelle. Malaisé à jouer, il requerrait la main gauche d'un guitariste virtuose et la main droite d'un violoncelliste émérite. Les quelques œuvres écrites pour ce curieux instrument n'ont pas laissé de grands souvenirs, à l'exception de la Sonate en la mineur de Schubert, composée en 1824 pour le guitariste Vincenz Schuster, qui était devenu champion de l'arpeggione. Leur exécution privée n'eut pas de lendemain d'autant plus que l'instrument tomba rapidement en désuétude. La sonate ne fut publiée qu'en 1871 dans une adaptation pour violon ou violoncelle. Il en existe des versions pour flûte ou clarinette, mais c'est au violoncelle qu'elle connaîtra un succès toujours d'actualité grâce à sa tonalité nostalgique et passionnée et au rondo rayonnant du finale avec son thème populaire. Face au piano enjoué d', le violoncelle de exprime un lyrisme mesuré selon une sobriété éloquente, qui convient au mieux à cette œuvre intimiste.

Un adieu de grande classe.

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