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Mavra/Iolanta pour jeunes chanteurs à l’Opéra de Bavière

Une mise en scène riche et intelligente sert d'écrin à des jeunes talents très prometteurs.

D'abord la pochade Mavra, puis le drame romantique Iolanta ? Ou plutôt l'inverse ? Tel le grand mécène d'Ariane à Naxos, le metteur en scène a choisi de ne pas trancher : Mavra et Iolanta ne seront donc pas joués l'un à la suite de l'autre, mais… en même temps. Iolanta joue avec ses poupées, et c'est l'histoire pas du tout innocente des amours ardentes de Paracha et du hussard Vassili qu'elle met en scène – les marionnettes grandeur nature ne sont autres que les chanteurs eux-mêmes. Après l'ouverture de Tchaïkovski, c'est donc le début de l'opéra de Stravinsky qui est joué, dans une réduction pour six instruments façon cabaret, très « années 1920 », avec des couleurs vives qui contrastent efficacement avec Iolanta, lui-même joué dans une version chambriste. La direction énergique d' n'empêche à vrai dire pas de regretter la version originale de Iolanta, mais elle n'aurait évidemment pas tenu dans la petite fosse et les dimensions réduites du Cuvilliés-Theater.

Révélé par un inoubliable Orlando Paladino l'été dernier dans une autre des salles de l'Opéra de Munich, le jeune cinéaste s'est cette fois allié au costumier et décorateur Falko Herold, collaborateur habituel de David Bösch. La poésie est au rendez-vous, et elle est à son comble lors du duo où Iolanta et Vaudémont rencontrent leur destin. En arrière-plan, les marionnettes de Paracha et du hussard reflètent cette rencontre romantique au clair de lune en marquant un de ces pas de deux dont Tchaïkovski a souvent fourni la musique. Mais le spectateur ne découvre que progressivement que cette scène va bien au-delà de son immédiate beauté poétique : au moment où Iolanta s'échappe enfin de l'enfance artificiellement prolongée où on la maintient par charité, les poupées avec lesquelles elle ne jouera plus prennent ainsi leur autonomie. Il faut un peu de temps pour que ce croisement entre les deux œuvres prenne son sens, et il en faut aussi avant que l'émotion commence à s'installer, mais le spectacle ne confirme pas seulement la qualité de la direction d'acteurs (et de marionnettes) dont Ranisch est capable. Il y a chez lui un regard profondément humain, profondément aimant pour les êtres et leurs déchirements ; en cinéaste qu'il est, il sait susciter les images fortes, mais il est aussi pleinement un homme d'opéra qui ne joue jamais la scène contre la musique.

Ce spectacle s'inscrit dans la longue lignée des productions destinées à mettre en valeur les jeunes solistes du Studio lyrique de l'Opéra de Bavière dans le cadre intime et baroque du Cuvilliés-Theater, et il témoigne cette année du haut niveau des promotions actuelles. Nous avions déjà fait l'éloge l'an passé du ténor : cette fois, il joue les premiers rôles, et son Vaudémont est un rêve de musicalité et d'expression, sans qu'il lui soit nécessaire de surjouer les héros romantiques. Anna El-Khashem, elle aussi, était de la partie l'an passé, et elle confirme en Paracha tous les éloges qu'elle a déjà reçus – et la  personnalité irrésistible qu'elle parvient à donner à sa marionnette montre que ses talents ne se limitent pas à sa voix. Le rôle essentiel est cependant confié à une nouvelle venue, : son premier air chanté piano a toute l'intensité d'une mélancolie ardente, et elle unit une musicalité parfaite à des couleurs juvéniles indispensables au rôle.

Tous les chanteurs de la distribution ne sont à vrai dire pas au même niveau, ce qui est bien naturel dans ce cadre semi-pédagogique, mais , ou méritent bien une mention très honorable. L'ensemble de la soirée justifie pleinement l'existence des structures de professionnalisation comme celle de Munich : tout, dans la cohérence d'ensemble de la soirée, du point de vue musical comme du point de vue scénique, laisse voir la qualité du travail de détail dont ils ont bénéficié.

Crédits photographiques © Wilfried Hösl

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