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Le généreux hommage de Decca à Riccardo Chailly, chef symphoniste

Si aujourd'hui se consacre plus à l'opéra qu'au concert, en tant que directeur musical de la Scala de Milan, il a laissé durant ses mandats successifs à Berlin (RSO), Amsterdam et Leipzig un ensemble d'une qualité exceptionnelle. Decca lui rend hommage symphonique dans un coffret superbe en 55 CDs, presque exhaustif et surtout révélateur des choix d'interprétation et de répertoire du maestro.

Ce somptueux coffret rend un hommage généreux à , né en 1953 et dont on suit la trajectoire à la tête de ses trois orchestres successifs, le RSO de Berlin de 1982 à 1989, le Concertgebouw d'Amsterdam de 1988 à 2003 et le Gewandhaus de Leipzig de 2005 à 2016. Les CDs retenus ne s'intéressant qu'au chef symphoniste, rien de l'activité de Chailly en tant que maestro d'opéra. Les disques sont classés par ordre alphabétique des compositeurs ; cela tombe bien car le coffret commence avec l'intégrale des symphonies de Beethoven. Dans l'ambitus historique retenu par l'éditeur et calqué sur celui du chef, aucune œuvre pré-romantique ne figure, et l'ensemble aborde le XXe siècle à la marge (Prokofiev, les Viennois – essentiellement d'ailleurs dans leurs pages de jeunesse encore tonales –, une touche de Varèse et deux partitions d'après 2° guerre, la Turangalîla-Symphonie et la Sinfonia de Berio). En revanche, le cœur du coffre s'articule autour de plusieurs intégrales symphoniques qui couvrent tout le XIXe siècle : Beethoven donc, mais aussi Schumann et Brahms (deux fois chacun), Bruckner et Mahler.

Pour synthétiser les lignes de force de l'ensemble, on retiendra la toujours très grande lisibilité orchestrale et la clarté des lignes polyphoniques, la perfection sonore aussi, un goût de plus en plus affirmé et abouti à Leipzig pour une sonorité d'orchestre grisante et fluide. Caractéristique de Chailly aussi le choix de reprendre à Leipzig des œuvres gravées précédemment mais dans des partitions intégrant des variantes (Symphonies n° 2 et n° 3 de Mendelssohn, la première version de la Lobgesang restant inégalée notamment grâce à ) ou des orchestrations insolites (intermezzos de Brahms ou sonate de Berg, par exemple, symphonies de Schumann retouchées par Mahler, mais pas, hélas, l'opus 25 de Brahms orchestré par Schoenberg), mais, curieusement, pas dans les symphonies de Bruckner pourtant propices à ce type d'exercice (de même Chailly qui inclut dans le coffret la n° 10 de Mahler n'a pas dirigé le finale de la n° 9 de Bruckner, à la différence de ses collègues Harding ou Rattle).

De fait, c'est l'intégrale Bruckner entreprise avec le RSO de Berlin qui a le plus vieilli par rapport à l'évolution du style du maestro ; la Symphonie de n'a d'ailleurs jamais sonné aussi « brucknérienne » que sous cette baguette italienne (comme Giulini auparavant). Mais les Mahler sont somptueux (et la Neuvième de son adieu à Amsterdam réellement émouvante), les Brahms de Leipzig enthousiasmants et moins compacts que ceux d'Amsterdam et les Beethoven à Leipzig ivres d'une énergie bondissante fabuleuse.

Outre deux CD de la série Zemlinsky de Chailly (auquel manque étonnamment le poème symphonique La Petite sirène), on placera également en tête du coffret une éblouissante Turangalîla-Symphonie ainsi qu'une Faust-Symphonie de Liszt qui ouvre la voie à Mahler. Seuls les CD Tchaïkovski et Dvořák (une oubliable Nouveau monde) sont en deçà du reste. Les deux CD bonus offrent quelques pages italiennes, dont deux préludes de Puccini, mais les sonates pour cordes de Rossini avec l'orchestre de Bologne sont les seules à montrer des limites instrumentales qui détonnent dans la quasi-perfection du coffret.

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