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Du chœur à l’ouvrage de Benjamin Dupé, une histoire de chœur

Audacieuse démarche de la part de et que de composer leur premier opéra à destination exclusive de voix d'enfants.

Créé à Caen en 2017 et repris au Théâtre de Montreuil, au Festival d'Aix-en-Provence en 2018, et aujourd'hui à Clermont-Ferrand après une escale à Limoges et une autre prévue à Marseille dans les prochaines semaines, ce Chœur à l'ouvrage est un opéra pour voix d'enfants pour trente à quarante chanteurs et dix instrumentistes en fosse, construit à partir d'airs, de récitatifs et de chœurs sur un langage atonal. Ce soir, ce n'est pas moins de 32 chanteurs de la qui prend possession de cette grande scène de la Maison de la Culture. La mise en scène comme la musique s'inscrivent dans le mouvement alors que l'île déserte paraît bien contraignante, pratiquement vide à part cette cabane en bois, mais délimitée par trois murs sans couleur. Des masses sonores en mouvement et des réponses spatiales complètent les déplacements d'enfants que chaque interprète maîtrise à la perfection.

Le plus grand intérêt de cette production est la composition de cette Maîtrise où l'on perçoit, malgré un livret bien plat pour une aventure sur l'enfance, des personnalités colorées et positives, notamment dans l'ensemble à cinq voix d'une énergie intéressante, ou via l'utilisation d'objets sonores sur scène. La fosse où sont placés les musiciens de l'Instant donné démontre une verve qui s'inscrit pleinement dans cette dynamique, avec une musique ludique et pleine de reliefs.

La déception reste le traitement vocal d'un ouvrage pourtant entièrement dédié aux voix. Étonnant de mettre en avant un chœur alors que le chant choral est pratiquement peu exploité, le chant collectif étant davantage tourné vers l'homophonie. Étonnant également de proposer des principes d'écritures très simples, tournés essentiellement sur des onomatopées et d'autres matériaux vocaux probablement inspirés de la Sequenza pour voix seule de de Berio comme des souffles et des rires, des répétitions sur certains mots (clés ?) et de la polyrythmie, alors que l'ouvrage a été composé pour une maîtrise dont on suppose les qualités vocales plus qu'on ne les entend, à l'exception du solo « Amoureux de ma voix » du frère jalousé pour justement sa belle voix.

Les sons émis sont expressifs mais ne construisent pas une énergie dramatique suffisante sans un livret qui ne joue ni sur la fantaisie, ni sur l'humour d'une enfance finalement bien fade. Tout y est traité au premier degré, alors que le décor, la musique (et ses musiciens parés d'un chapeau de pluie ou d'accessoires en paille de tribus « primitives » !), pourraient largement contribuer à une spontanéité et une amusante indiscipline ici peu marquée.


Finalement, cette une heure quinze de spectacle donne la sensation d'un effet statique et d'une seule et unique atmosphère bien surprenante au regard du choix de monter un opéra qui offrait bien d'autres possibilités. Dans cette salle comble, le public applaudit poliment les jeunes artistes qui n'ont pas démérité un seul instant, même si l'ouvrage qui leur a été réservé n'utilise pas le quart de leur talent musical et surtout de leur impertinence toute juvénile qui en font leur force.

Crédits photographiques : © Christophe Raynaud de Lage

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