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À Rolle, la jota s’invite chez Beethoven

En tournée avec l', le guitariste offre une prestation contrastée du Concerto d'Aranjuez de Rodrigo dans un concert par ailleurs de belle tenue.

Dans la mise en bouche animée à souhaits de deux extraits de la Suite espagnole no. 1 op.47 d' orchestrée par le pianiste et compositeur catalan Albert Guinovart, l' fait preuve d'une belle homogénéité et son chef se montre capable d'en tirer de belles couleurs. Cette ouverture en fanfare laisse augurer d'un grand moment musical avec le populaire Concerto d'Aranjuez de .

L'arrivée du guitariste , fringant quadragénaire, fait impression. Sa réputation d'être l'un des plus grands guitaristes le précède et l'on attend que le feu sorte de son interprétation. Mais, dès les premières mesures, quand bien même les doigts courent sur le manche avec vélocité et précision, le son de l'instrument apparaît terne, comme aplati. L'impression que l'instrument ne sonne pas. Pourtant, tout est là. Les notes se suivent, l'orchestre s'emploie subtilement à ne pas étouffer le soliste. Mieux, il varie son volume sonore superbement pour mettre en valeur les interventions de la guitare. Bien sûr, c'est l'œuvre de Rodrigo qu'on entend mais, dans une interprétation sans beaucoup d'âme, presque impersonnelle. Dans le sublime adagio, comme un fait exprès, on s'endort entre les pupitres à force d'exagérer le pathos. Dans l'allegro gentile ultime, le charismatique chef d'orchestre reprend les rênes de son orchestre et emmène dans un vibrant final. Le public, satisfait d'avoir entendu cette œuvre populaire s'enthousiasme, applaudissant sans grande retenue tout ce beau monde.

Alors, comme le veut la tradition, le soliste revient pour un bis. Il annonce le spectaculaire Gran Jota de Concierto de (1852-1909). Pablo Sáinz Villegas s'engage alors dans une démonstration époustouflante de guitare. Dans cette pièce, tout y passe. Vélocité, tambourinages, répétition de la mélodie en mode harmonique en effleurant les cordes, pour terminer en reprenant le thème avec, en pinçant les deux premières cordes ensemble, l'impression que la mélodie est accompagnée par le son d'un tambour. Le guitariste catalan s'avère ici immensément plus convaincant qu'auparavant. L'artiste se révèle. Le public retient son souffle pour goûter chaque instant de guitare, chaque raffinement de la note, chaque variation du son. Une tension qui explose dans une incroyable ovation quand, après un dernier accord frappé, la main droite de Pablo Sáinz Villegas s'élève en une grande arabesque du bras avant de retomber lentement le long de son corps accompagnant l'envol des dernières harmoniques de son instrument.

Comme dynamité par le succès de la Gran Jota de Concierto, mobilise son relativement petit ensemble dans une interprétation débordante d'énergie de la Symphonie n° 4 de Beethoven, trop rarement jouée en concert. Le chef espagnol semble cependant raconter sa musique avec plus de verve dans les allegro que dans les adagio. C'est ainsi que si dans le deuxième mouvement le dialogue entre les premiers et les seconds violons sont superbes, dès l'entrée de la clarinette, il se perd ne sachant plus trop quoi nous dire. Dans l'allegro vivace et l'allegro non troppo finaux, les dialogues entre les pupitres sont un régal. L' piqué au vif par la direction énergique de son chef fait oublier qu'il n'a pas les effectifs d'une phalange berlinoise ou viennoise. Et c'est tout à son honneur. En particulier celui de la première violoniste dont le dynamisme qu'on décèle dans le geste de l'archet électrise tout l'ensemble.

Le succès public amplement mérité, le chef Jaime Martín charmé par l'acoustique généreuse du Rosey Concert Hall offre un extrait du ballet Rosamunde (Entracte III) de Franz Schubert qui lui permet d'écouter plus que de diriger le son chaleureux de son orchestre avant de le lancer dans une ultime et endiablée ouverture de La Revoltosa, une zarzuela de Ruperto Chapí (1851-1909).

Crédit photographique : Rosey © Kiré Ivanov – Slika

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