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Jean-Paul Gasparian orchestre magistralement Chopin

Ce récital qui s'ouvre par les quatre Ballades de Chopin est porté par un souffle qui impressionne. Il révèle la personnalité de , l'un des jeunes pianistes les plus intéressants d'aujourd'hui.

Une Sonate n° 2 de Schumann pleine de risques assumés dans un album consacré aux archives du Festival de Nohant puis un superbe enregistrement consacré à Scriabine et Prokofiev également pour le label Evidence Classics et dans lequel “orchestrait” déjà les partitions des deux compositeurs… En toute logique, l'interprète devait se confronter au romantisme premier, celui des “chants de l'héroïsme” comme l'écrit fort justement Jean-Yves Clément, dans sa présentation des œuvres.

Jouées ainsi, les quatre Ballades impressionnent par leur souffle et leur dimension hymnique qui auraient pu, a contrario, les éloigner de l'auditeur. Par péché d'orgueil et parce que la technique est, ici, impériale. On se laisse prendre à la chaleur, à la beauté et à la longueur du son, portées par un Steinway rougeoyant et une captation charnue et précise à la fois. Qui a parlé d'un Chopin par essence “fragile” ? Celui que nous entendons est déjà lisztien avec la prémonition de Debussy et de Ravel, celui de Scarbo dans les climax les plus enflammés des Ballades. Le jeu est à la fois sanguin, dominateur et “confortable” (pour l'auditeur). Il nous parle et raconte au sens littéral et littéraire du terme. On aurait aimé, parfois, davantage de prises de risques, mais l'écrin d'une salle vide favorise aussi quelques notes amoureusement ciselées comme la vibration de ces quatre sublimes sol bémol (mesures 55 et 56) de la Ballade n° 4, que la plus infime toux anéantirait. a mûri ces interprétations d'une noblesse et d'un panache incontestables.

Après les Ballades, le lent balancement imprimé au Nocturne en ut mineur qui laisse filer les harmoniques pour mieux les contenir est remarquable. Tout comme le caractère irrémédiable de la Valse en mi mineur, l'étonnante et belle distanciation prise avec la Polonaise “Héroïque”. Ces quelques exemples témoignent d'une interprétation pensée car l'artiste qui maîtrise à ce point les formes révolutionnaires de l'écriture Chopin, ne peut que s'imposer sur la scène.

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