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Audace, virtuosité, exotisme : le Saint-Saëns rêvé des Kantorow

Aussi racé qu'intelligent, le piano d' offre, aux côtés d'un orchestre finlandais rutilant et sous la direction de son père, l'un des plus beaux disques consacrés aux concertos de

Pour ceux qui penseraient, à tort, que Saint-Saëns fut un compositeur de pièces académiques d'une veine salonnarde et judicieusement agrémentées d'effets, je conseille d'écouter cet enregistrement. Alors que nous entendons en concert et jusqu'à plus soif le Concerto n° 2, « tube » des orchestres, le Concerto n° 3 est tout simplement à redécouvrir sous les doigts d'. Il regorge d'idées novatrices, d'harmonies étonnantes dans une forme qui croît au fil de l'inspiration. Celle-ci nous emmène de l'écriture lisztienne à la méditation féerique d'un poème avec piano « obligé » : un véritable bain de jouvence entre un orchestre charnu et scintillant à la fois et un piano souple, fluide, mais sachant aussi montrer les griffes ! possède une personnalité si forte et une technique si sûre, qu'il a les moyens de dramatiser le récit à sa guise, tout en préservant sa parfaite clarté. Les interprètes nous conduisent où ils le veulent, dans ce Saint-Saëns si mal-aimé et dont on avait oublié la qualité du cantabile, la fantaisie incisive et la modernité. Modernité ? Dans sa remarquable biographie de Saint-Saëns (Actes Sud/Classica), Jacques Bonnaure évoque, dans cette partition, « la discontinuité, qui anticiperait sur le post-modernisme à la mode dans les années 1980 ».

La forme surprend plus encore dans le Concerto n° 4, composé de deux mouvements et dont le soliste impose, d'emblée, la grandeur de ton. Le piano s'emploie à déconstruire le choral classique et Saint-Saëns se délecte de sa rébellion contre le franckisme de son temps. L'étagement des plans sonores est saisissant de finesse, le piano parvenant à se fondre dans les timbres de l'orchestre pour mieux s'en extraire. Et quelle souplesse dans le finale, quelle élégance dans le déhanchement rythmique à peine appuyé !

Achevé au Caire en 1896 et, pour l'occasion, savoureusement teinté d'harmonies orientales, le Concerto en fa majeur dit « l'Égyptien » offre de superbes dialogues lyriques. Si la virtuosité est redoutable, le compositeur préfère faire chanter l'instrument. Est-ce pour cela qu'il ne propose pas de cadence ? Nos interprètes font respirer les mélodies – voici, enfin, la première exposée dans un tempo retenu – comme pour mieux nous laisser goûter au plaisir d'une beauté exotique et oublier, un instant, la virtuosité. Virtuosité dont l'origine du mot (vertu) est, ici, parfaitement saisie.

Depuis Aldo Ciccolini, Jean-Philippe Collard (Warner Classics), Pascal Rogé (Decca) et Anna Malikova (Audite), pour ne parler que des références stéréophoniques, on n'avait pas été à si grande fête. Vivement l'édition des deux premiers concertos !

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