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Réédition bienvenue des gravures Concert Hall de Carl Schuricht

Le label anglais Scribendum réédite l'un de ses tout premiers coffrets consacré aux gravures Concert Hall de l'un des plus prestigieux musiciens du XXe siècle, le chef d'orchestre allemand (1880-1967), et publié initialement en 2003, mais cette fois disponible sous forme de pochettes individuelles cartonnées, rendant l'ensemble plus compact.

Le visuel de cette réédition indique « THE Concert Hall Recordings », ce qui pourrait laisser présager une intégrale : il n'en est rien, car il y manque curieusement les Suites – Ouvertures pour orchestre n° 2 en si mineur BWV 1067 et n° 3 en ré majeur BWV 1068 de Bach (1961 à Francfort) ; la Symphonie n° 36 en ut majeur « Linz » de Mozart (1964 à Paris) ; Euryanthe, ouverture de l'opéra de Weber (1962 à Baden-Baden) ; la Symphonie n° 3 en fa majeur op. 90 de Brahms (1962 à Baden-Baden) ; Tritsch-Tratsch Polka op. 214 et Légendes de la Forêt Viennoise op. 325 de Strauss (1963 à Vienne). C'est regrettable, et l'éditeur aurait pu profiter de cette réédition pour compléter l'album qui n'aurait nécessité que deux CDs supplémentaires reprenant les manquants. Quoi qu'il en soit, tel quel, cet album est hautement désirable, et les transferts réalisés par Ian Jones aux célèbres studios Abbey Road de Londres sont relativement honnêtes, même s'ils ne peuvent cacher les diverses provenances des enregistrements, ni concurrencer l'extrême et optimale qualité des anciennes rééditions CD Denon de la Nippon Columbia.

Le credo de – « Il vaut mieux servir une cause que de s'en servir » – révèle une humilité envers son art qui l'empêchera d'occuper un poste permanent auprès de phalanges prestigieuses, contrairement à des chefs plus médiatisés. De fait, il mena essentiellement une carrière de chef invité auprès de multiples associations symphoniques de divers pays, ce qui est fidèlement reflété dans ses célèbres enregistrements studio. Il eut toutefois une préférence révélatrice de son honnêteté légendaire : l'absolue fidélité à son orchestre de cœur, l' (SDR) de Stuttgart, phalange provinciale allemande de haut niveau qu'il chérissait, et dont nous trouvons certains témoignages de grande qualité dans ce coffret (Schubert, Mendelssohn, Schumann, 1960).

Par sa nature profonde, et le fait qu'il était lui-même compositeur, sa modestie et son respect des œuvres lui imposaient une pureté de style et une élévation de pensée lui interdisant de donner à ses interprétations toute note personnelle intrusive, et il convient de rappeler que si les maisons de disques comme Concert Hall, Decca, EMI, lui réclamaient constamment et uniquement d'enregistrer le répertoire classique, romantique et même baroque, il fut, comme Klemperer, un ardent défenseur de la musique de son temps grâce à un art tout d'objectivité, de clarté et de rigueur, et dont on peut trouver certains témoignages chez Archiphon ou Hänssler Classic.

Ses Schumann ont depuis longtemps été considérés comme des références, auprès des futures versions Sawallisch qui présentent d'ailleurs des similitudes de clarté, de transparence et de conception musicale évidentes. Ses Schubert et Bruckner n'ont rien à envier à ceux des immenses chefs précités, tout en dégraissant notablement le discours musical, plus nerveux que de coutume. Les Symphonies de Mozart, interprétées par un orchestre français, sont pleines de vie et de verdeur, et Schuricht expédie allègrement la Symphonie n° 3 « Rhénane » de Schumann en moins d'une demi-heure avec des qualités identiques, mais sans aucune impression de précipitation ! Le Songe d'une nuit d'été de Mendelssohn – uniquement les parties orchestrales héla – est une véritable merveille de légèreté à la variété de timbres sonores infinie. Les Valses de Johann Strauss II sont un modèle de naturel et d'élégance quasiment insurpassable. Et surtout – un vrai bonheur ! – ses Concertos Brandebourgeois de Bach sont peut-être la plus belle surprise de ce coffret, avec un petit effectif orchestral suisse, rivalisant aisément en mai 1966 (probablement le dernier enregistrement de Schuricht pour Concert Hall) avec les ensembles baroqueux par leurs qualités (vivacité dansante, transparence) mais sans leurs défauts (intonation…).

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