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Le jeune Lord de Henze à Munich, une comédie moderne

La mise en scène du Jeune Lord de  par a son efficacité, mais c'est surtout la troupe du Gärtnerplatz qui brille.

On n'a pas tous les jours l'occasion de pouvoir écrire sans paraître insultant que le ténor pousse des cris de singe : c'est bien ce que fait ici en jeune lord de l'opéra éponyme de Henze, et avec beaucoup de conviction, d'élégance et de musicalité.

Le compositeur et sa librettiste ont tiré d'une nouvelle de l'écrivain romantique Wilhelm Hauff une satire de la société de leur temps : comme chez Hauff, ils racontent comment l'arrivée d'un riche étranger et de son neveu met à nu les tares de la « bonne société » d'une petite ville. Mais s'ils ont choisi ce sujet, c'est parce qu'il leur permet de parler de la société de leur temps : chez Hauff, seul le « neveu » est pris pour un Anglais par les petits-bourgeois ; en faisant de l'oncle un véritable Anglais, ils singent la fascination servile de leurs contemporains pour le « modèle » américain. Les deux domestiques maures qui l'accompagnent sont aussi de leur invention : on peut lire la haine qu'ils suscite dans la ville comme une réminiscence terrible des crimes nazis contre les juifs et du racisme nouveau de la société d'après-guerre face aux travailleurs turcs.


Pour autant, le ton reste bien celui de la comédie et de la satire, mordante et vraiment drôle, sans chercher à résister aux clichés sociaux (le maire, le docteur, la baronne…). Henze met en place un vaste réseau de références à l'histoire de l'opéra, dont le plus saillant est l'accueil du riche étranger par le chœur adressé au Pacha Selim dans l'Enlèvement au Sérail. La mise en scène de , malgré une identité visuelle assez quelconque, a bien saisi ce jeu référentiel, en rejouant dans la rencontre entre le « neveu » et la jeune première la Présentation de la rose du Chevalier à la rose, mais aussi en assimilant la xénophobie des citadins aux agissements des forces obscures de l'extrême-droite d'aujourd'hui. Le résultat reste pourtant un peu sage ; l'intérêt de la soirée, outre la force de l'œuvre, tient d'abord dans l'excellente troupe mise sur pied par la seconde maison d'opéra de Munich.

Le rôle de l'impérieuse Baronne bénéficie de la voix de bronze et de l'aplomb d', est une délicieuse jeune première, et son amie Ida bénéficie des vocalises pleines d'esprit d'Ilia Staple. Chez les hommes, on remarque surtout le maire efficacement comique de , et le secrétaire pince-sans-rire de Christoph Filler. Le riche étranger, lui, est un rôle muet, contrairement à celui de son « neveu » : cette voix de ténor aux aigus triomphants n'est autre que le singe racheté à un cirque de passage, et voilà toute la petite société des élites locales ramenée à ses petitesses. La comédie de Henze et Bachmann est d'autant plus efficace qu'elle est acide.

Crédits photographiques : © Christian POGO Zach

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