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Inutile Pathétique par Kirill Petrenko à Berlin

On attendait beaucoup de ce disque, le premier de l’ère Petrenko. Trop, assurément, mais pas au point d’éprouver une telle déception.

La première déconvenue vient du son. Malgré le label SACD, l’orchestre est capté sans profondeur réaliste, mettant à nu des cordes criardes. La seconde mauvaise surprise vient de la conception même du chef. La tenue rythmique de l’Adagio est pour le moins flottante et les petits effets compassés agacent. Les solistes sont bien au rendez-vous, notamment dans les bois, mais la matière ne prend pas.

Le déchaînement de violence de l’Allegro non troppo paraît factice. C’est une violence de pure dynamique, sans passion, dure, agressive. Et si peu narrative. L’Allegro con grazia est d’une belle plastique, mais ne produit que du son. Cela avance aimablement, presque comme une musique décorative, oublieuse de l’esprit de la chorégraphie. Le “soufflé” retombe au bout de deux minutes… Luxe, calme et ennui. L’Allegro molto vivace devrait animer d’incessants dialogues entre les pupitres, et l’orchestre s’enivrer de sa propre virtuosité. Là encore, nous sommes installés, en toute sécurité, à l’arrière d’une berline de grand luxe allemande alors que l’on attend le dernier sursaut de révolte qui nous prépare à la catastrophe conclusive. Le finale, Adagio lamentoso, justifie à lui seul le nom de Pathétique. La résignation exprimée dans ces grandes vagues de cordes conduit inexorablement les phrases dans l’extrême grave de l’orchestre, vers les couleurs originelles de la partition. Ici, nul voyage sans retour vers l’île des morts ni même de goût du sang dans la bouche. L’écrin sonore s’est refermé, nous laissant plus que perplexe.

Cet album entérine le constat que l’on fait depuis quelques années à propos de l’orchestre. Même sous la baguette d’un musicien que l’on dit capable d’enflammer ses pupitres, les Berlinois semblent avoir perdu leur âme et leur personnalité. C’est cher payer les années Rattle. Dernière remarque : n’y avait-il donc aucune autre partition à enregistrer que cette symphonie (qui plus est, sans complément) ? Restons-en à quelques références habituelles : Mravinsky et Leningrad, Karajan et Vienne, Bernstein et New York, Gergiev et le Mariinsky.

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