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Masterclass de Laurent Hilaire : plongée dans le Lac des cygnes

Pour cette seconde édition des Paris de la danse, le Théâtre de Paris accueille , tout droit venu de Moscou avec les étoiles et . Un moment de délice qui offre une plongée dans les eaux troublantes du Lac des cygnes.

Après Eléonora Abbagnato et Benjamin Pech en 2018, c'est un autre grand nom de la danse qui répond à l'invitation de Lisa Martino, comédienne et ancien petit rat de l'Opéra qui s'est vu confier la direction artistique du jeune festival des « Paris de la danse ».

, directeur du Théâtre Stanislavski de Moscou depuis janvier 2017, a emporté dans ses valises deux pépites, et .
En lui donnant la possibilité d'admirer ces deux étoiles en répétition, offre un joli cadeau au public. Ces deux-là connaissent leur Lac sur le bout des orteils. Aussi Laurent Hilaire peut-il laisser un peu de côté la technique, déjà excellente, pour se concentrer sur les nuances de l'interprétation.
À un public parisien biberonné au Lac des cygnes de Noureev, seule version donnée par l'Opéra de Paris depuis 1992, Laurent Hilaire fait redécouvrir celle de . Créée en 1953 et toujours dansée au Stanislavski, cette version est particulièrement chère au cœur de Laurent Hilaire qui y a été nommé étoile en 1985 par Rudolph Noureev en personne.

Pour la répétition, Laurent Hilaire a choisi deux moments-clé du ballet : la rencontre d'Odette et de Siegfried, et l'adage blanc.
Accompagnés au piano par , les danseurs doivent apprivoiser une scène qu'ils ne connaissent pas, et dont les dimensions relativement réduites les obligent à revoir leurs placements. Mais très vite, la maîtrise de la variation est évidente. Laurent Hilaire, avec subtilité, insiste sur les réactions des personnages, rappelle la surprise et la peur que ressent Odette à la vue de Siegfried, la curiosité du Prince face à cette créature mi-femme mi-cygne. Il veut de la passion dans ce duo, de l'instinctivité et de l'animalité. Il amène les danseurs à prendre des risques, à tournoyer plus vite pour signifier la frayeur quand apparaît Rothbart, à changer un placement de mains dans un tour pour le rendre plus naturel. Il met en lumière l'instant merveilleux du coup de foudre, lorsque Odette s'immobilise face à Siegfried dans un moment suspendu. Il invite à s'arrêter pendant quatre temps, quatre temps de rien qui signifient tout.

Dans l'adage blanc, Laurent Hilaire insiste sur la volupté d'étirer au maximum les pas sur la musique, de retenir une arabesque ou un tombé, comme une caresse. Les deux danseurs sont merveilleux de fluidité, de grâce et de précision. Oxana Kardash sait aussi bien se changer en être irréel à force de délicatesse qu'en femme passionnée et enivrante. se révèle un partenaire attentif, au port naturellement élégant et aux lignes élancées.

Avant de présenter un extrait du troisième acte et de laisser la place au cygne noir, Laurent Hilaire se livre avec décontraction à un jeu de questions – réponses avec le public.
Il explique notamment les différences entre les versions de Bourmeister et de Noureev, la première étant plus lyrique, la seconde plus narrative et psychanalytique. En réponse à un spectateur, il coupe court aux suppositions : non il ne fera pas « son » Lac des cygnes, se considérant comme un interprète et un pédagogue plutôt que comme un chorégraphe. Il parle, avec humilité, de son expérience en Russie, du bonheur de travailler avec ces danseurs passionnés et avides d'apprendre, à qui il cherche à donner confiance face au tout-puissant Bolchoï.

Pour terminer, un extrait du troisième acte en version spectacle, avec Laurent Hilaire en Rothbart, est offert au public. Petit bijou, ce passage montre les qualités aussi bien techniques que d'interprétation de ces danseurs. Oxana Kardash se métamorphose dans le rôle d'Odile, où elle exprime toute la dualité du personnage. Mettant à profit sa complicité évidente avec Rothbart/Laurent Hilaire, elle joue sans le moindre état d'âme avec Siegfried.

Ce moment de grâce témoigne à nouveau tout l'intérêt de cette plongée dans les coulisses d'une œuvre chorégraphique, qui ravira les amateurs avertis comme les curieux.

Crédits photographiques : Laurent Hilaire © Joel Saget ; Oxana Kardash et Ivan Mikhalev © Serguey Rodionov

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