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Vent de folie à l’Arsenal de Metz avec Karina Gauvin et le Concert de la Loge

Programme de choix pour la réunion d'une des meilleures sopranos baroques du moment et d'un ensemble instrumental qui a le vent en poupe. et auront fait vivre à leur public toute la palette des passions les plus diversifiées.

Certains la surnomment la Renée Fleming de la musique baroque. Il est vrai qu'avec son soprano long et fruité, capable de graves abyssaux tout comme d'aigus stratosphériques, dispose d'un instrument qui ne semble avoir de limites ni en couleurs, ni en puissance, ni en étendue. La voix reste d'une grande souplesse, autant dans la vocalisation rapide ou dans l'émission staccato que dans le déploiement des sons filés qui sont la marque des grandes mozartiennes. On se félicite que ce lumineux et luxueux organe, qui aurait pu se spécialiser dans Strauss, Mahler et la musique contemporaine, soit si longtemps resté fidèle aux compositeurs qui ont assuré son développement et sa notoriété.

Le programme concocté ce soir par et les musiciens du Concert de la Loge, résolument baroque, est de la plus grande cohérence, autant sur le plan chronologique que sur celui des choix thématiques. Constitué de pièces de compositeurs tous nés, peu ou prou, au cours de la décennie 1675-1685, il décline tout le registre des affects et des passions que l'âme humaine peut expérimenter : transports fiévreux pour la Didon de Graupner, frénésie maternelle pour la Griselda de Scarlatti, affres de la jalousie pour l'Almira de Haendel, fureurs d'Armide avec le Rinaldo de Haendel, douleur d'Alcina, tout y passe. On retiendra, parmi les grands moments de la soirée, le sublime « Geloso tormento » d'Almira, un « Ah, mio cor » d'anthologie ou encore une coquine folie de Rameau, prise dans un jeu de séduction dont le chef d'orchestre , visiblement aux petits soins pour sa diva, aura bien du mal à s'extraire. À la beauté intrinsèque du timbre et à la qualité du chant se rajoute l'expressivité faciale de Gauvin, qui peut d'un seul regard se faire aussi aguicheuse qu'Agrippine, aussi furibonde qu'Armide, aussi accablée qu'Alcina ou aussi folle que la folie en personne.

La réussite de la soirée tient également en large partie à la participation complice des musiciens du Concert de la Loge, tous très impliqués dans le programme. Si les hautbois de Jasu Moisio et Yanina Yacubsohn ont particulièrement brillé, on retiendra également la belle prestation de la flûtiste dans un concerto de Telemann particulièrement enlevé. fait preuve d'une belle énergie, autant dans les deux concerti qu'il s'octroie que dans sa direction sobre, alerte et parfaitement mesurée. Superbe concert, qui permet de faire entendre un programme exceptionnel défendu par une soliste en état de grâce et un ensemble instrumental aux petits soins. Deux bis pour couronner le tout, l'air de la reine de Saba « Will the sun forget to streak » extrait du Solomon de Haendel suivi de l'inévitable « Lascia ch'io pianga » de Rinaldo.

Crédit photographique : Karina Gauvin © Michael Slobodian

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