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Maîtres de l’orgue nordique allemand par Bernard Foccroulle à Lübeck

continue d'explorer le répertoire des maîtres organistes pré-baroques de l'Allemagne du Nord aux claviers de l'un des orgues historiques les plus importants de la région hanséatique.

Élèves du grand Sweelinck d'Amsterdam et précurseurs du stylus phantasticus, Jakob Praetorius et Melchoir Schildt offrent de séduisantes paraphrases de chorals alternés de pièces libres proches du style italien.

L'orgue du transept de l'église Saint-Jacques de Lübeck est connu des discophiles et des amateurs depuis les premiers enregistrements d'Helmut Walcha remontant à 1948. Pour la première fois en effet, on pouvait entendre la musique de Bach sur un orgue ancien authentique, construit par le facteur Friedrich Stellwagen en 1637. Par chance cet instrument a échappé aux bombardements de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il garde en majeure partie toutes ses caractéristiques originale et présente du coup l'intérêt d'un ambassadeur idéal pour ces répertoires directement issus de la Renaissance. Bien que peu connus, ces compositeurs organistes méritent que l'on s'y attarde. Ils furent tous deux natifs de familles de musiciens et ont contribué à forger un style nouveau à partir du choral luthérien. Ils ont su sublimer l'art de leur maitre hollandais, ce fameux « Orphée d'Amsterdam », en sachant rendre agréable et attrayante la polyphonie savante des origines de la musique luthérienne. Grâce à des orgues plus performants, il développèrent le jeu du pédalier et les contrastes offerts par les différents plans sonores répartis sur plusieurs claviers.

Le programme propose des variations sur des chorals dont on retrouve quelques thèmes bien connus (Notre Père, Chute d'Adam) ainsi qu'un Magnificat, œuvre vouée à Marie, mais qui s'est toujours chantée dans les églises luthériennes. Chaque variation (ou verset) est l'occasion d'entendre un mélange de timbres reposant sur des jeux solistes, souvent choisis parmi les jeux d'anche. Cette approche judicieuse rappelle les ensembles d'instruments qui évoluaient à la même époque dans divers consorts de violes ou de vents. Dans ces versets, la rhétorique bat son plein en des discours parfois très bavards pouvant durer près de dix minutes. Quelques libres préludes alternent ces suites de mouvements destinés à l'alternance du chant des chorals. A l'écoute du style de ces compositeurs ainsi que de leur célèbre collègue Heinrich Scheidemann de Hambourg, on comprend que l'on a quitté peu à peu le siècle précédent et que s'ouvre une ère nouvelle qui culminera bientôt avec Buxtehude, dans l'explosion de ce fameux « style fantastique », à même d'éblouir le jeune Johann Sebastian Bach.

est un grand spécialiste de ces musiques qu'il interprète avec sa carrure apollinienne habituelle. Son jeu fait parler l'orgue subtilement afin de révéler l'art du discours contenu dans ces pages. L'orgue de Lübeck, en grande forme et très bien capté par Jérôme Lejeune nous ravit de pureté et d'éclat. Il présente un diapason élevé (environ un ton au dessus du 440 moderne) mais habituel à l'époque et un tempérament peut-être un peu sage pour le début du XVII° siècle, mais qui colore cependant agréablement les modulations de l'écriture musicale.

Dans cette grande encyclopédie de l'orgue ancien, construite pierre après pierre, signe un très bel album à la gloire de l'orgue nordique allemand.

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