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Musique parmi les Nymphéas à l’Orangerie

Nymphea de la compositrice dans la salle des Nymphéas de Monet à l'Orangerie : c'est la « mise en abîme » que propose le dans le cadre du festival Manifeste. S'ajoute au programme d'un concert très immersif, le Quatuor à cordes n°4 avec électronique du regretté .

Un concert au contact des œuvres d'art d'un musée est toujours vécu avec une intensité particulière. C'est la seconde salle des Nymphéas qu'ont investie les interprètes et la technique Ircam, puisque l'électronique modèle l'espace d'écoute dans les deux œuvres au programme. Si Saariaho n'évoque pas directement Monet dans sa pièce Nymphea (1987), c'est l'image du nénuphar et sa « symétrie cassée et transformée par le remous des flots » qui lui vient à l'esprit lors de l'élaboration de l'œuvre. Le quatuor est ici un méta-instrument à seize cordes au service des couleurs et des textures qui se font et se défont avec une plasticité remarquable. Plus étonnante encore est la fusion des cordes avec l'électronique au sein d'un travail très fin de morphing et de spatialisation opéré par la compositrice sur le continuum sonore. Cette musique vibratile est en constante métamorphose, entre fluidité des lignes et densification jusqu'à saturation du matériau. La poésie, celle du Russe Arseni Tarkovski, infiltre par deux fois la musique. Ce sont deux instants plus intimistes où les quatre interprètes murmurent le texte, respirant l'ombre avec souffle et sifflantes qui intensifient le mystère. La synergie des archets et la finesse du jeu des Béla sidèrent. Il faut saluer également le travail sur mesure des équipes Ircam (Benjamin Lévy aux manettes) dans un espace où s'opère l'aller-retour du visuel et du sonore.

Le projet et la facture diffèrent dans le monumental Quatuor n°4 avec électronique (2003) du Britannique . Ce voyage intérieur, du chaos à la lumière, à laquelle nous convie le compositeur est en cinq cycles, ou plutôt cinq vies successives selon le concept bouddhique du temps circulaire, avec recommencements et métamorphoses. L'expérience spirituelle est toujours au cœur de la pensée d'Harvey. La partie électronique participe de la structure narrative, avec ses étirements réverbérés, ses halos d'ombre ou ses scintillements rejoignant les registres aigus des violons. Elle confère à l'écriture une envergure spatiale insoupçonnée. L'envolée lyrique vers les hauteurs, dans les dernières pages, est restituée avec une belle ferveur par les quatre interprètes dont la concentration et l'engagement forcent l'admiration. D'autant qu'ils n'avaient encore jamais donné l'œuvre en concert.

Le 21 juin dans l'après-midi, de mini concerts se succèdent dans la Salle des Nymphéas, dans le cadre de la fête du quatuor. Le a choisi une pièce toute désignée pour accompagner la peinture de Monet : Blossoming (2007) de .

Installé sur des coussins au sol ou sur un banc, l'auditeur décontracté a pourtant du mal à s'extraire des bruits ambiants du musée et tendre l'oreille aux pianissimi qui débutent la pièce. Blossoming est une musique faite de tremolos, de glissandos, de frottements dessinant un parcours en arche (crescendo-decrescendo) évoquant une éclosion et ponctués par des rebonds légers d'archets ou de pizzicatis. Hosokawa adopte pourtant une approche assez classique du quatuor, dans les timbres choisis ou dans les échanges entre les instruments. Le crée un climat qui dialogue sans mal avec les toiles de Monet, dans une poésie commune du frémissement et du mouvant. Et si le spectateur doit observer de loin l'ensemble pictural et non le détail, l'auditeur écoute le parcours continu et lent de l'œuvre dans une attitude similaire.

Crédits photographiques : Quatuor Béla © ; © Rémi Rière

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