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A Montpellier danse Christian Rizzo sème le trouble avec une maison

Avec une maison, sa dernière création au festival , témoigne de la maîtrise d'un travail qu'il mène depuis plusieurs années sur l'architecture et l'imaginaire de la danse.

Un toit composé de néons en lumière blanche trace une architecture en suspension, mouvante, avec laquelle les danseurs vont construire la danse en même temps que l'espace. Au fond, à droite, un monticule de terre ocre, en forme de cône. Vêtus de noir, ils sont quatorze interprètes à vouloir construire une maison, expérimentant les duos, trios, le groupe, depuis le centre de la scène jusque dans ses recoins les plus extrêmes. Ils iront – à l'instar de la lumière – de la fragmentation chorégraphique vers un commun où chacun apporte son univers. Une maison relie le travail architectural initié avec les néons lumineux dans la pièce d'à côté que utilisait comme des objets vivants aussi importants que les corps, situés au cœur de la scène, modifiant eux-mêmes l'espace. Ici, il démultiplie et déploie leurs mouvements pour les transformer en un symbole de réunification, identique à celle que les corps des habitants retrouveront dans une farandole lorsque la maison – réelle ou imaginaire – sera édifiée.

Avant l'unité, les éclats

Dans la première partie, la danse est en éclats de corps et de sensations. Surgissant du noir de la scène, de l'éclair fulgurant d'un néon et qui disparaît aussitôt, d'un son qui la porte d'un point à un autre. Les corps se cherchent. Entre solitude et toucher. Ils s'appellent, se lovent ou s'abandonnent. Les corps glissent, ils sont légers, parfois en dissonance avec les vibrations d'une musique électronique forte et vibrante. Puis les couleurs deviennent ocres, la peau, les néons. Les danseurs s'emparent de la terre et la jettent pour en recouvrir le sol, elle devient poussière, symbole de mort et de naissance. Brume, brouillard, cendres, les corps disparaissent puis réapparaissent. Avec toutes ces particules, creuse un espace qui bouge et devient profond, il se transforme en une galaxie inconnue qui nous bascule entre ténèbres et folie du vivant. Les habitants se sont délestés du noir pour revêtir la couleur, ils dansent portés par les rythmes joyeux de danses folkloriques. Cette communauté constituée crée alors un autre lieu qui permet la libération de fantasmes avec l'apparition de personnages étranges, à tête de cheval ou de singe, déroulant même une cérémonie mortuaire, laissant apparaître plus loin les fantômes de nos vies et de nos histoires.

Une maison est une pièce de l'équilibre. Elle pose le travail mené par le chorégraphe autour de la transformation, la disparition et l'apparition et réussit à tisser le lien constant entre corps, lumière, musique et scénographie. Christian Rizzo y amène une autre matière, la terre, à la fois palpable, enveloppante, qui se dessine, s'étale ou se volatise. Elle permet la construction tout autant qu'elle peut être friable. Une fois encore, le chorégraphe nous plonge dans notre imaginaire pour nous amener vers le trouble de l'indicible et de l'invisible, peuplé d'images, d'êtres, de choses incompréhensibles, de rêves que nous portons en silence. Il nous plonge là où tout est possible mais où tout peut aussi disparaître.

Crédits photographiques : © Marc Domage

 

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