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Holliger et Kurtág d’un même souffle

Un disque majeur pour célébrer l'amitié entre deux grands esprits de la musique contemporaine.

Holliger et Kurtág, Kurtág et Holliger : malgré toutes les différences dans leur parcours et dans leur œuvre, les parentés sont nombreuses entre eux. Tous deux ont eu Sandor Veress pour maître, l'un en Hongrie, l'autre en Suisse, l'un comme l'autre bénéficient d'une riche discographie chez l'éditeur munichois ECM, et surtout leur musique se nourrit d'une même inspiration littéraire, d'un même ancrage dans une histoire longue de la musique, et surtout d'un même sens de l'essentiel, d'une même éthique de la composition. Dans ce nouveau disque, le hautbois règne en majesté, par Holliger lui-même, mais aussi par sa collègue Marie-Lise Schüpbach, mais on entend aussi la clarinette basse ou soprano, et même quelques notes de piano, un hommage de Kurtág à l'épouse de son confrère, la harpiste Ursula Holliger. Deux œuvres substantielles de Holliger font face à une multitude d'œuvres courtes des deux compositeurs. Celles de viennent pour beaucoup des Jeux, signes et messages, prolongement pour d'autres instruments des plus célèbres Jeux (Játékok) pour piano, dont quelques œuvres récentes et inédites au disque.

propose quant à lui deux premières, son cycle récent Airs pour hautbois et cor anglais et la sonate qu'il avait composée pour son instrument en 1956/1957, mais qu'il n'avait jamais enregistrée lui-même. Airs est sous-titré Lectures pour hautbois et cor anglais : ils sont inspirés par un cycle de poèmes homonyme de Philippe Jaccottet, chacun des sept mouvements étant précédé par la lecture du poème correspondant par le poète lui-même.

Témoignage émouvant d'une amitié artistique, ce disque met en avant la convergence créative de deux compositeurs majeurs plutôt que de chercher à faire la part de chacun, et tant pis pour l'exigence romantique de singularité. Kurtág, Holliger ne sont d'ailleurs pas seuls sur ce disque : c'est toute une histoire vivante de la musique qui est là avec eux, le cor anglais du troisième acte de Tristan, le solo introductif du Sacre du printemps, et bien d'autres encore. L'œuvre de Holliger comme celle de Kurtág sont habitées par la douleur et par la perte ; ce disque en témoigne, mais il frappe aussi par sa plénitude sonore et sa richesse expressive. La version pour clarinette contrebasse d'une pièce bien connue de Kurtág, Kroó György in memoriam, comme les Oiseaux qui terminent Airs, sont à ce point de vue des sommets d'un disque majeur pour les deux compositeurs, mais aussi pour Holliger instrumentiste qui, presque octogénaire lors de l'enregistrement du disque, impressionne par sa discrète virtuosité, mais aussi par la force émotionnelle d'un jeu qui est au-delà de la démonstration. Entouré par ses amis musiciens, il propose ici un disque qui s'écoute malgré la fragmentation comme une coulée continue, avec les couleurs toujours changeantes apportées par les différents instruments.

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