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Naxos réédite Alexander Moyzes, le grand symphoniste slovaque

Ces deux symphonies du père de la musique slovaque clôture la réédition nécessaire et bienvenue, en six CDs du label budget Naxos, des douze symphonies d', initialement publiées chez Marco Polo.

Il est curieux que ce ne soit pas le label tchèque Supraphon qui se soit engagé en priorité dans ce répertoire, mais quoi qu'il en soit, l'étiquette Marco Polo s'est intéressée au compositeur slovaque  dès janvier 1989 en enregistrant trois suites orchestrales du compositeur sous la baguette d', deux d'entre elles (Le long de la rivière Váh op. 26 et Danses de Pohronie op. 43) ayant déjà été initialement gravées à l'aube du microsillon par le grand chef slovaque  (1906-2000) pour Supraphon. Marco Polo enregistra les symphonies de Moyzes entre avril 1990 et décembre 1995, résultat d'un véritable acte d'amour de la part de cet autre grand chef compatriote (1919-1999) qui a par ailleurs accompli une remarquable intégrale des symphonies de Dimitri Chostakovitch pour Naxos.

(1906-1984), (1908-1993), (1911-1989) et (1914-1991) sont les grands artisans du renouveau de la musique slovaque au XXe siècle, mais c'est bien Moyzes qui en est le père : son cycle de symphonies, œuvre de toute une vie, s'étale de 1929 à 1983 et alterne un discret modernisme souvent teinté d'inquiétude, et un lyrisme champêtre inspiré du folklore slovaque : il y réussit une synthèse entre un style d'inspiration exclusivement slovaque et les tendances contemporaines de la musique européenne.

La Symphonie n° 11 op. 79 fut composée en 1978 et créée le 13 mai 1979 à Bratislava par l'Orchestre Symphonique de la Radio Slovaque sous la baguette de . De structure en quatre mouvements fidèles à la forme-sonate, l'œuvre affirme d'emblée en son premier mouvement Andante une évocation tragique du Destin ponctuée de timbales menaçantes, enchaînant dans l'Allegro ma non troppo sur de brillantes variations et des rythmes de danses ; c'est également le caractère dansant quelque peu moqueur qui définit l'Allegretto suivant, faisant office de scherzo ; véritable cœur de la symphonie, le mouvement lent Andante est une sombre méditation au lyrisme passionné ; la symphonie s'achève en un vigoureux Finale. Dans toute cette œuvre, la technique compositionnelle de Moyzes s'affirme avec sophistication, équilibre, expressivité et densité. Sa maîtrise, en particulier dans les relations harmoniques et les couleurs, le conduit à des cycles complexes de métamorphoses et variations, créant une tension qui amène ensuite une réflexion paisible.

La Symphonie n° 12 op. 83 fut écrite entre février et mai 1983 et créée le 17 février 1984 à Bratislava par l'Orchestre Philharmonique de Slovaquie placé sous la direction de . Son langage musical encore plus épuré et plus concis est accentué par sa structure réduite à trois mouvements. Le tempo « motorique » perpétuel du premier, Larghetto – Allegro, rappelle curieusement Albert Roussel ; l'Andante sostenuto suivant alterne lyrisme et sonnerie militaire menaçante ; l'Allegro final revient au processus musical du premier mouvement pour s'achever en apothéose. Mais laissons Moyzes s'exprimer au sujet de sa dernière symphonie : « … je n'ai rien fait d'autre au cours de ma vie que d'écrire mon journal en musique. Ma nouvelle symphonie tente, comme les autres, d'exprimer mon attitude à l'égard de la vie. J'estime pour ma part que l'on doit aborder la vie telle qu'elle est, avec tous ses détours, ses exigences et ses contraintes. Cette symphonie est le reflet de l'être humain face à des situations actuelles. Tout le monde court, se presse et est toujours en mouvement, et ceci se ressent dans ma musique. En réalité, la musique représente pour moi un contraste inégal et cet aspect irrégulier doit être rééquilibré. C'est à ce moment que je ressens la substance de la musique et le processus de création. »

Avec ces deux œuvres qui achèvent son parcours symphonique, Alexander Moyzes est parvenu à épurer son langage orchestral avec le raffinement et la maîtrise des plus grands, et personne d'autre ne pouvait lui rendre justice de manière aussi évidente et affectueuse que les musiciens d'élite de l'Orchestre Symphonique de la Radio Slovaque sous la direction inspirée de .

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