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Roger Norrington en spectacle avec la Camerata à Salzbourg

Dans un programme entre classique et néo-classique, le maniérisme prend le pas sur l'intégrité artistique.

Il est rare qu'une ville de 150 000 habitants dispose de deux orchestres permanents : le cas particulier de Salzbourg s'explique naturellement par la présence du festival. Tous deux assurent à l'occasion des productions lyriques ; l'Orchestre du Mozarteum assure chaque année les très populaires Mozart-Matineen, tandis que la Camerata se contente d'une série plus modeste de concerts un peu en marge de la programmation du festival. Depuis 2016, la Camerata n'est plus placée sous la tutelle d'un directeur musical, mais de son propre premier violon Gregory Ahss, dans une démarche d'abord collective.

Pourtant, après les courts mandats de Leonidas Kavakos puis de Louis Langrée, l'orchestre garde de très forts liens avec un de ses anciens directeurs, , en poste de 1997 à 2006 : muni du titre de Conductor Laureate, il dirige très régulièrement son ancien orchestre, en particulier au Festival. La force de cette relation se voit sur les visages rayonnants des musiciens, et la popularité du chef émérite est aussi visible auprès d'une partie du public, qui applaudit avec délectations les coquetteries auxquelles il se livre – la plus pénible est l'insistance qu'il met à demander au public de l'applaudir à la fin de chaque mouvement de la symphonie qui clôt le programme.

Le programme commence par la musique de ballet d'Idomeneo de Mozart, où il souligne les carrures rythmiques au détriment de la musicalité d'ensemble, avec des platitudes d'expression qui surprennent dans une musique aussi gratifiante. Avec Apollon Musagète de Stravinsky, Norrington reste dans le domaine de la danse, mais cette fois avec une pièce que le ballettomane connaît par la chorégraphie de Balanchine beaucoup mieux que le mélomane : le dépouillement voulu par Stravinsky et l'abstraction altière du sujet classique peuvent vite tourner à la fadeur, et le chef ne parvient pas à convaincre de la nécessité de donner cette œuvre en concert, tant il l'étire et laisse cette fadeur compassée prendre le dessus.

Le contraste n'en est que plus grand avec la Symphonie n° 104 de Haydn qui suit l'entracte : les décibels sont lâchés au détriment de la mise en valeur de l'écriture orchestrale et des couleurs instrumentales, et le choix des tempi semble uniquement refléter le souci de l'effet maximum. Après une introduction lente du premier mouvement – démesurément ralentie pour contraster avec la suite – le second mouvement est au contraire inutilement pressé, et le finale apparaît pétaradant comme jamais. Que l'orchestre fasse montre de ses qualités malgré tout (notamment la Konzertmeisterin dans les solos importants d'Apollon) est à saluer, mais ces qualités pèsent peu face aux errances du chef – le choix de faire jouer les cordes sans vibrato sur l'ensemble du programme n'est pas une surprise ni un problème, mais ce n'est pas non plus une excuse.

Un mauvais concert peut arriver à tous les musiciens, mais ce que cette soirée révèle de la perte d'identité artistique de la Camerata devrait amener à une prise de conscience de la part des musiciens : l'attachement au passé de l'orchestre est une chose, la définition d'un véritable projet artistique ne peut se résumer à cela. Il serait sans doute temps, dans ces conditions, de retrouver un directeur musical.

Crédits photographiques :  © SF/Marco Borrelli

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