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Coffret Erato d’hommage au Bach de Scott Ross

était l'un de ces instrumentistes qui par leur profonde musicalité et imagination, ont révolutionné notre regard sur les œuvres qu'ils jouaient. Pour le 30e anniversaire de la trop précoce disparition du roi des clavecinistes, le label Erato nous restitue la plupart de ses enregistrements dédiés à , remasterisés pour l'occasion par le studio Art & Son.

Des réalisations discographiques bien connues des mélomanes avoisinent ici des gravures méconnues, voire inédites. Le toucher aussi poétique que précis de se fait entendre déjà sur le premier CD, dans les Partitas. Lors de l'écoute, on comprend tout de suite en quoi consiste le génie interprétatif du musicien : une parfaite maîtrise du tempo lui permettant de faire chanter un clavecin, dont pourtant l'étendue dynamique est soumise à des dispositions constructives imparfaites par rapport à celles d'un clavicorde ou d'un piano-forte. Il en résulte des Bach alliant une transparence des textures intelligemment réfléchie à une sorte de spontanéité. Or, cette insuffisance de l'instrument dont se sert ne lui coupe pas les ailes ; bien au contraire : elle le stimule à chercher le maximum d'élégance.

Ce coffret comporte quelques jalons de l'histoire de la phonographie qui, ces dernières décennies, n'ont pas pris une ride. Parmi ces références, on comptera lesdites Partitas, de même que le Concerto italien en fa majeur BWV 971, la Fantaisie chromatique et fugue en ré mineur BWV 903 et l'Ouverture française BWV 831. Bien que les deux interprétations des Variations Goldberg BWV 988 que nous laissa Scott Ross ne soient pas nos préférées, nous y reconnaissons cette recherche du détail et cette finition soigneuse des phrasés dont témoignent ses plus grandes prestations.

Une vraie surprise nous parvient avec l'enregistrement intégral des deux livres du Clavier bien tempéré, effectué en 1980 à Montréal pour la Société Radio-Canada, pour lequel Scott Ross fait preuve d'une virtuosité aussi discrète que délicieuse. Son jeu se conjugue à une force évocatrice qui tient de petits miracles dans les préludes et fugues d'ornements qui, sous ses doigts, non seulement embellissent sa lecture, mais avant tout semblent contribuer à évoquer toute une palette des états d'âme que le Cantor de Leipzig renferma dans ces minuscules chefs-d'œuvre.

D'autres surprises nous viennent avec le disque n° 11, regroupant diverses raretés discographiques gravées en concerts publics et déterrées des archives de la Radiotélévision suisse RTS et de l'INA : la Suite anglaise n° 3 en sol mineur BWV 808, les Toccatas BWV 912, 914 et 916, le Prélude, fugue et allegro en mi bémol majeur BWV 998, le Concerto n° 5 en fa mineur BWV 1056, ainsi que le Concerto brandebourgeois n° 6 en si bémol majeur BWV 1051 dans la transcription de pour deux clavecins. Le moment particulièrement émouvant est celui où Scott Ross interprète cette dernière composition en compagnie d'Huguette Grémy-Chauliac auprès de laquelle il suivit l'enseignement au Conservatoire de Nice. Si, dans le Concerto n° 5 en fa mineur BWV 1056, Scott Ross et l'Ensemble Mosaïques dirigé par nous présentent un Bach baigné de lumière, mais un brin précipité dans l'Allegro initial, c'est dans le mouvement central qu'ils nous saisissent par la variété des couleurs et le raffinement du dialogue entre la partie soliste et l'accompagnement orchestral.

À l'orgue (les disques n° 4 et 5, gravures de 1979, 1981 et 1982, publiées par Erato avec l'aimable autorisation de la même Société Radio-Canada), Scott Ross anime quelques instruments québécois. Sous ses doigts et sous ses pieds, chaque note trouve sa juste place dans ce chant qui nous fascine autant par l'ardeur et la régularité du pouls que par la simplicité et la délicatesse, voire l'intimité du geste.

Voici une parution qui constitue un ajout important à l'héritage discographique de Scott Ross, et dont ne devraient pas se passer ni ses fans, ni les amateurs passionnés de l'œuvre de .

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