- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Les splendeurs de la viola bastarda selon Paolo Pandolfo

Pour son nouveau disque, le gambiste Paolo Pandolfo s’empare d’une viola bastarda afin de nous faire découvrir les délices de la Renaissance tardive.

La viola bastarda (en français la « viole bâtarde ») est un instrument de musique à cordes et à archet, de la famille de la viole de gambe, utilisé principalement en Italie du XVIe au XVIIe siècles. La signification de ce nom renvoie, selon le dictionnaire Vocabolario dell’Accademia della Crusca, à un ustensile de ménage qui n’a pas la taille ordinaire et qui n’est donc pas conforme à ce qui est convenu. Or, pour la viola bastarda, c’est par extension que ce sens s’est vu transféré pour donner une idée d’un instrument dont on se servait dans le but de déployer un jeu richement ornementé sur la base d’œuvres polyphoniques déjà existantes, particulièrement de madrigaux et de chansons populaires. En l’animant, les virtuoses de l’époque dépassaient les limites d’une tessiture afin de parcourir plusieurs, voire tous les registres, en s’assurant ainsi une liberté expressive optimale. Vu qu’il s’agissait d’une pratique improvisée, qu’on appelait alla bastarda, il n’existe aujourd’hui qu’une soixantaine de pièces pour la viole bâtarde, transcrites en grande mesure par des Italiens. Ces arrangements représentent le premier sommet de la littérature solo pour viole de gambe.

Paolo Pandolfo a raison d’aborder quelques-unes de ces œuvres. Sa parfaite connaissance de la viole de gambe, de même que sa formidable intuition conjuguée à la musicalité, se traduisent par des prestations aussi spontanées que recherchées et axées sur la finition des détails. Dès les premières mesures de la Toccata per b quadro d’Orazio Bassani, on se délecte d’un art qui fait penser à l’improvisation : l’agilité de l’archet et le soin du rayonnement et de la flexibilité de la ligne mélodique en dévoilent les meilleures qualités.

Sur ce disque, des arrangements pour viola bastarda en solo ou accompagnée de la basse continue s’entrelacent avec des partitions purement vocales, exécutées par cinq solistes, ou encore avec des pages chantées et auxquelles la viola bastarda se joint pour laisser ses propres « commentaires », en complétant de cette sorte la polyphonie préalablement établie, comme dans Anchor che col partire de Girolamo dalla Casa. La pureté des voix des solistes, la clarté de leur diction et la droiture de leur émission se trouvent en contraste marqué avec le jeu libre et ample de la viola bastarda dont l’expression rappelle le chant humain : théâtral et empreint d’une large gamme d’affetti musicali d’une part, et délibérément intimiste d’autre part. Paolo Pandolfo semble extraire de sa viole le maximum de couleurs et de demi-teintes qui, avec l’apport des musiciens réalisant la basse continue, rendent ces interprétations aussi sublimes que profondément intenses.

(Visited 1 176 times, 1 visits today)