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Émotions russes au Septembre Musical Montreux-Vevey

La Russie est l'invitée prétexte de cette 74e édition du Septembre Musical et qui mieux que et son Orchestre du Théâtre Mariinsky pour illustrer cette musique.

Il n'aura fallu que quelques secondes à et l'ensemble du Mariinsky de Saint-Pétersbourg pour s'emparer de l'auditorium Stravinsky et le transformer en un temple gorgé des émotions nostalgiques propres à la musique russe. Quand bien même la Suite de Roméo et Juliette de Prokofiev est une musique éclatante, spectaculaire et colorée, la manière du chef et de son orchestre de se l'approprier dépasse la stricte observance de la partition. Ce soir-là, entre et l'Orchestre du Théâtre Mariinsky, il y avait une osmose. Le chef russe s'immerge en communion totale avec un Prokofiev incarné. Jamais les cuivres de ces Montaigus et Capulets n'ont revêtu une pareille densité, La Jeune Juliette n'a été si douce et si évanescente à travers les cordes intenses des Mariisnky, ni Les Masques aussi espiègles avec les clarinettes et les flûtes, ni encore Roméo devant la tombe de Juliette aussi follement tragique avec les cors et la sécheresse lancinante des percussions. Valery Gergiev, sans partition, sans estrade, a repris sa « baguette-cure-dents » et tournant son corps avec vigueur sur la gauche, puis sur la droite, les bras sans cesse en mouvement, agitant sa main gauche d'un bref tremblement, le regard comme fou, s'implique à chaque seconde pour souligner un accent, accentuer une note, entraîner un pupitre dans son voyage musical sidéré et sidérant.


À peine remis de ces émotions qu'entre le pianiste , récent vainqueur du concours Tchaïkovski. Est-ce l'œuvre, est-ce l'interprétation, sont-ce les émotions encore présentes du Roméo et Juliette de Prokofiev, reste que ce Concerto pour piano et orchestre n° 2 de Tchaïkovski ne convainc pas totalement. Certes l'orchestre est là, le soliste aussi mais aussi bons soient-ils sous la baguette de Gergiev, on ne ressent pas aussi pleinement l'esprit qui habitait la première partie de ce concert. Sans doute, est un interprète de grande valeur. Pour ce concerto spectaculaire, le jeune pianiste français possède incontestablement la technique et la force expressive indispensables à son exécution. Cependant, peut-être par manque de répétitions, par timidité interprétative, la symbiose ne se fait pas. Comme par modestie ou humilité, Valery Gergiev se cache derrière un orchestre accompagnateur pour laisser au soliste le soin d'être le patron du concerto. Si le pianiste joue avec brillance sa partie, il semble incapable d'entraîner l'orchestre à se joindre à son discours. Dans le Nocturne de Gabriel Fauré qu'il offre en bis, on apprécie l'extrême délicatesse du touché d'.

En janvier 2011, nous avions entendu Valery Gergiev et l'Orchestre du Théâtre Mariinsky dans cette même Symphonie no. 4 de Tchaïkovski. Nous disions notre ressenti d'une certaine insatisfaction du chef russe quant aux sonorités qu'il semblait rechercher dans cette partition. Ce soir, l'œuvre est achevée. Avec des cuivres cuivrant à l'envi, des cordes en stridences, son entame de la symphonie est renversante. Gergiev, en aussi grande forme que son orchestre, soigne les contrastes sans que jamais la tension ne se relâche. C'est stupéfiant, envahissant, captivant, vibrant. L'équilibre sonore et musical entre les pupitres semble être l'évidence alors que la main du Maître parle, entraîne, saisit, accroche chaque musiciens pour raconter la musique. Quel enthousiasme, quel sérieux, quel talent, quels artistes au sein de cet orchestre qui ne nous a jamais paru aussi impliqué, aussi prompt, et aussi engagé. A l'image du troisième mouvement, avec les cordes jouant uniquement en pizzicato. Un moment plaisant s'éloignant des tutti des deux mouvements précédents. On pense alors pouvoir se détendre, se recaler dans son siège, prendre du temps. Eh bien non ! Valery Gergiev induit une pression constante sur ses musiciens, variant le volume de ses violons frappés d'un infime pianissimo au plus violent des forte possible sans que jamais la tension ne retombe. Lorsqu'enfin les derniers accords retentissent, c'est une formidable ovation qui salue ce qu'on peut qualifier l'un des plus grands moments d'émotion que Valery Gergiev a offert depuis que votre serviteur suit ses concerts.

Et ce n'est pas les bravos inextinguibles qui soulignent La danse infernale extraite de L'Oiseau de feu d'Igor Stravinsky, donnée en bis, qui démentent la joie des spectateurs.

Crédit photographique : © Céline Michel

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