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Quand les Percussions de Treffort jouent sur… la corde sensible

50 œuvres / 50 compositeurs : ce disque à la très belle pochette grise aux écritures rouges est le premier d'une série de neuf, planifiée pour célébrer les quarante ans d'un ensemble créé à Treffort (Ain) et mêlant interprètes valides et personnes en situation de handicap. Neuf pièces de huit musiciens différents dessinent un programme varié qui trouve son unité dans une certaine qualité d'atmosphère où prime la douceur.

Au cœur du projet, , chef de chœur, compositeur, fondateur des Percussions de Treffort (1979), directeur artistique de Résonance contemporaine (1987) ainsi que des Six Voix solistes (1995) et grand pédagogue. S'adressant pour les Percussions à des personnes ayant une déficience mentale, sa technique d'enseignement est basée sur le regard et l'écoute. Tout passant par l'oral, c'est le corps entier du joueur qui se trouve engagé dans une découverte de la musique et de lui-même. Le handicap finit toujours par être transcendé. Et, fruit du bonheur de partager, de nombreux artistes répondent aux commandes des Percussions de Treffort.

On sent que l'enjeu d'Eco (1997), morceau simple et répétitif, est, par-delà la beauté des timbres associés du djembé, de la derbouka, des claves, de la calebasse et du tambourin polytimbral (), la mise en place du jeu collectif. Voilà une aimable entrée en matière. On retrouve la même construction dans Percuta du même Rizzo, où des improvisations prennent appui sur une base rythmique stable. « Je meurs de soif auprès de la fontaine… » : il faut tendre l'oreille, au tout début de Je, François Villon pour percevoir le chuchotis de Sophie Poulain et de reconnaître les vers de François Villon écrits en 1458. La richesse et la force de la langue, le lyrisme, le désespoir sans fond et l'intimité de cette voix solitaire sont magnifiquement maintenus à leur tour par de fantomatiques instruments : tambours chinois, barre métallique, hang et guitares électriques. Une pièce courte, très inspirée et envoûtante. Autres sonorités (cloches tibétaines, bols en porcelaine, shimes…), autre atmosphère avec Âmes chantent (2019), composition méditative s'il en est, tout en suspension et centrée sur les notions de vide et d'infini. Dans À pas de verres (2019) s'entend de nouveau la voix de Sophie Poulain récitant le poème de « Paysage 1952 » et dont la fragilité diaphane est entretenue par les verres frottés et la clarinette en roseau d'. Retour « sur terre » – en l'occurrence les étendues du Haut-Atlas – avec les percussions (dont le djembé de ) de Toubkal, auxquelles se mêlent l'harmonica de , coauteur de ce morceau, le saxophone baryton et la guitare électrique. Une pièce paisible et suggestive qui va l'amble. Archipélique (2018), la plus lente et la plus longue des œuvres (19 min) installe l'auditeur dans une écoute attentive. Asmaa Alaoui, des Percussions, dit un texte résumant l'esprit de cette création communautaire : « Fierté d'être ce que je suis. / Simplicité d'être soi. / Poussez la porte, entrez, laissez-vous porter librement. » Voix et verres (se) frottent dans l'enivrant De cristal… (2009), écrit d'un seul trait. Énigmatique est encore Meilleurs Vœux (1999) pour voix de femme (Fanny Duchet), clarinette en sib et percussions, où la récitation hachée donne du relief à un texte jouant sur l'allitération et le retour systématique aux mots du titre. Une fort belle conclusion qui condense l'intention de ce disque axé sur la fragile noblesse de l'humain.

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